S’apprêter pour plaire, s’inquiéter du désir de l’autre, de son plaisir, gérer la contraception…, la liste est longue. À l’occasion de la sortie du livre La Charge sexuelle, coécrit par Clémentine Gallot, en librairie le 11 juin, des femmes en couple hétérosexuel témoignent de cette pression, vieille comme le patriarcat, mais méconnue.

« Il m’est arrivé d’inventer des danses sensuelles pour chauffer mon mec. Je lui sortais la totale, porte-jarretelles et compagnie. Mais qu’est-ce que ça m’épuisait ! », confie Marie, 30 ans. Charlotte a plus du double de l’âge de Marie, 66 ans, mais fait pourtant le même constat de fatigue entraînée par les rites de séduction : « Je m’épile et ça m’emmerde. J’ai commencé en troisième, lorsque des copains ont fait des réflexions sur mes poils. Depuis, je n’arrive pas à arrêter, même si j’ai mal. »
C’est bien connu, « il faut souffrir pour être belle » – et pour séduire. Voilà l’une des caractéristiques de la charge sexuelle qui pèse sur les femmes au sein des couples hétérosexuels. Cette expression populaire, matière à en conditionner plus d’une, semble pourtant toujours peser de tout son poids sur elles. Une situation qu’elles sont nombreuses à vivre, quel que soit leur milieu social.
Léo, 36 ans, est gestionnaire RH dans la fonction publique. Cette Franco-Congolaise a intégré les attentes liées à son genre : « Je me sens obligée d’être impec tout le temps. Par exemple, avant de me coucher, je fais une petite toilette, j’enfile une nuisette et je me parfume même si je suis épuisée. » Pendant ce temps, son compagnon ne s’embarrasse d’aucun rituel de séduction.
De son côté, Luisa, une couturière de 32 ans, lassée de la nonchalance de son partenaire sur le sujet, espérait peut-être changer les choses lorsqu’elle a posé cette question à son partenaire : « Et toi, que fais-tu pour créer le désir ? » La réponse fut lapidaire : « Je suis gentil. » No comment.
Être en charge de la séduction dans le couple, faire naître le désir de l’autre, ce serait donc, de l’avis de tous, et depuis toujours, le job des femmes. Se faire belle pour l’autre, accueillir son désir dès qu’il vient, gérer la contraception, avoir de l’expérience, mais pas trop de partenaires, pour maintenir sa respectabilité. Posséder un gode pour émoustiller monsieur, mais sans qu’il ne concurrence le pénis du conjoint. Autant de travail invisible dont on n’a pas forcément conscience, mais qui porte finalement un nom : la charge sexuelle. Un sous genre de la charge mentale, popularisée en 2017 par la dessinatrice Emma, mais conceptualisée en 1984 par la sociologue Monique Haicault, qui désigne l’incessant travail cognitif des femmes qui doivent penser à tout, tout le temps, pour parvenir à gérer leur vie professionnelle et personnelle. Eh bien, il se passe la même chose sur le plan sexuel.
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