Dans ce nouvel épisode de la série "Épifounie", Sidonie raconte un date post-partum avec son conjoint, neuf mois après la naissance de leur bébé.
Sidonie est éducatrice en santé sexuelle. Elle a beaucoup pensé et politisé les questions de sexualité. Avec elle, on a voulu parler de sexe dans le contexte de la parentalité. De comment ça se passe quand deux parents fatigués ont envie d’avoir un moment d’intimité et craignent le réveil d’un bébé dans la chambre d’à côté. Le moment qu’elle choisit de partager se passe environ neuf mois après la naissance de son premier enfant. Durant ces neuf mois, elle et son conjoint ont mis de côté les temps de couple, gardant leur fils à tour de rôle afin de se déga-ger du temps individuel pour travailler quelques heures ou quelques jours en free-lance. Le soir, il et elle lisent ou se reposent quand le nouveau-né dort. Il et elle ont toujours du désir l’un pour l’autre, mais pas toujours l’espace ni le temps pour s’y consacrer. Il et elle décident alors de consacrer un temps hebdomadaire de garde à leur duo amoureux, sans savoir exac- tement ce qu’il et elle feront ensemble de ce temps précieux. Le couple a déjà refait l’amour depuis la naissance, mais en restant toujours sur le qui-vive. Ce jour-là, la voie est libre. Il et elle ont rendez-vous l’un·e avec l’autre. « Je me souviens de la première fois. On se retrouve un peu bêtes. On se regarde comme des merlans frits. Qu’est-ce qu’on va faire ? » raconte Sidonie. Son compagnon lui propose un massage, sans pression à aller plus loin sous prétexte qu’il s’agit d’un date. « La magie opère. Finalement, on prend le temps de se chauf- fer. C’est comme si on remettait notre casquette d’amants », poursuit-elle. Le massage dérive vers des frottements et des caresses et vient réveiller les corps. « On est dans une hypersensibilité. On fait des choses assez basiques, mais les sensations sont démultipliées. Rien que le moment où les sexes se touchent pour la première fois, juste avant la pénétration, est très agréable. Tout est très intense », décrit-elle. L’espace de quelques heures, le couple parental est mis entre parenthèses, et leur étreinte prend des allures de jeu de rôles. « Je ne suis plus la mère ni la cogestionnaire de mon foyer. Je reconnecte avec cette autre vie dans laquelle il n’y avait pas toutes ces responsabilités. Et c’est un super coup ! Ce sont de belles retrouvailles », dit-elle.
Sexe "dé-hétérocentrées"
Au début de son post-partum, Sidonie avait craint d’avoir des douleurs à la pénétration et que sa sexualité s’en trouve changée, à cause d’une petite déchirure survenue lors de son accouchement. Mais son inconfort s’est vite dissipé et ses premiers rapports sexuels se sont passés dans la douceur. Elle pense même que les orgasmes qu’elle a eus ont aidé à détendre la zone vaginale. Surtout, elle explique qu’il existe des approches du sexe pénétratif « douces » et « dé-hétérocentrées » qui s’accordent bien au post-partum. « J’ai appris à découvrir cela en ayant une sexualité queer, car je suis bi. J’ai eu des relations avec des femmes et globalement avec des partenaires qui n’étaient pas en mode lapins. Il y a des représentations du sexe pénétratif comme quelque chose de brusque, ce qui peut plaire à certaines personnes. Mais il existe un sexe pénétratif qui peut être beaucoup plus “mou” et orgasmique, qui se fait dans la lenteur et la douceur. Par exemple, on peut faire une pénétration avec un pénis qui n’est pas hyper dur, ou ne pas l’insérer complètement. Cette sexualité-là est plus compatible avec un corps en convalescence, qui cicatrise. »
La maternité n’a pas éteint sa libido et elle n’a aucune difficulté à faire coexister « la mère et la putain ». Elle a accouché à la maison sans anesthésie et cela a été pour elle une expérience de puissance. « Du coup, il y avait pour moi une forme de continuum entre la grossesse et la sexualité, dans cette capacité de mon corps à faire toutes ces choses. Je me suis même déjà dit pendant le sexe que c’était fou, que c’était par là que la tête de mon bébé était passée. »
D’autres dates s’ensuivent et viennent alimenter la flamme entre elle et son partenaire. Il et elle deviennent comme des amant·es fougueux·euses qui se retrouvent à l’hôtel et qui n’ont que peu de temps devant eux. L’absence d’enfant fluidifie les choses. « On sait qu’on ne va déranger personne et qu’on ne sera pas interrompu·es. C’est un temps rien que pour nous, comme quand on rentre dans un moment de bien-être et qu’on se met dans sa bulle », explique Sidonie. Avant d’ajouter que plus jamais, lors de leurs rendez-vous, il et elle ne se sont regardé·es avec des yeux de merlan frit.