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© Sexuality and Disability project by Trista Marie McGovern, Photography by @emmawondra - Models: @browniethunder + @tristamariemcg

Témoignages : l'amour avec une étoile de mer

Chaque mois, Causette donne la parole à un duo sentimental pour comprendre comment les visions divergentes de chacun·e n’empêchent pas (toujours) le ménage de tourner. Dans cet épisode, Laétitia et Christophe racontent comment il·elle ont apprivoisé leur vie sexuelle malgré le handicap de Laétitia, qui est paralysée.

Laétitia

37 ans

« Je suis entièrement paralysée à cause d’une amyotrophie spinale, un type de myopathie. Je peux juste bouger les muscles de mon visage, un pouce et un orteil. En revanche, je ressens tout. Grâce à un fauteuil roulant adapté, je travaille en tant que traductrice et mène une existence relativement normale. Quand j’ai rencontré Christophe, il y a trois ans, lors d’une formation que je donnais pour une association, je n’avais jamais eu de relations amoureuse ou sexuelle. C’est mon auxiliaire qui m’a fait remarquer qu’il me draguait. Je m’étais tellement cassé la figure avec les hommes que je ne voyais pas les signes… On a commencé à s’envoyer des messages enflammés. C’était la première fois qu’on me parlait de sexualité sans revenir à mon handicap. Lors de notre premier rendez-vous, on est allés au restaurant. On n’arrêtait pas de parler. En rentrant, j’ai demandé à mes auxiliaires de me mettre en nuisette sexy dans la chambre. Quand il est entré, j’ai vu qu’il était content. La nuit était chouette… C’était ma première fois, même si on a attendu avant d’en venir à la pénétration. 

“Je suis au top de l’envie, comme une prépubère”

Je pensais que les choses allaient être diffi-ciles à cause de mon incapacité de mouvement. Il m’a appris que non. J’ai des orgasmes 95 % du temps. Alors c’est sûr, je ne fais pas tout le Kama-sutra ! Cela dit, je ne crois pas que beaucoup de femmes le fassent… Et puis je suis active par la parole et par l’expression de mon visage. Par contre, je ne peux pas “aller le chercher”. C’est l’une de mes plus grandes frustrations. Si je n’écoutais que moi, on le ferait plus souvent. 

Comme j’ai découvert le sexe il y a peu, je suis au top de l’envie, comme une prépubère. Or, je sens bien que devoir toujours faire le premier pas affecte sa libido. Même en lui manifestant mon envie, ça ne déclenche pas forcément la sienne. J’ai cherché des ruses. Parfois, je lui demande de m’aider à m’allonger sur le côté “pour que je sois mieux”. En fait, c’est juste pour qu’il voit mes fesses et que ça l’excite. Ça fonctionne parfois. Mais ce qui compte, c’est de se toucher. Or, je ne peux pas l’initier. Il a beau m’assurer sincèrement que je suis son “meilleur coup”, me dire que l’on est beaucoup plus intimes qu’avec ses anciennes relations, des personnes valides, parce qu’on est forcément bien plus à l’écoute, j’ai des craintes. C’est normal qu’une routine sexuelle s’installe au bout de trois ans, mais j’ai peur que ce soit à cause de tout ça. »

Christophe

39 ans

« Quand j’ai rencontré Laétitia, j’étais auxiliaire de vie pour une personne en situation de handicap depuis six mois. Sans cette expérience, je n’aurais jamais pu me mettre avec elle. Ça m’a permis de comprendre qu’il y avait une personne derrière la maladie et de la voir comme n’importe quelle autre femme. Du coup, dès le premier soir, après le resto, tout a été très naturel. Je considère qu’il n’y a aucune particularité. Certes, dans le domaine sexuel, il y a des choses qu’on ne peut pas faire. On ne fait que peu de positions, mais ça suffit pour que nos corps communient. Je me rends compte de ses frustrations.

“Je suis la seule personne qui peut lui donner du plaisir” 

Elle pourrait le faire deux fois par jour, alors que moi, ce serait plutôt deux fois par semaine. Or, elle n’a pas de marge de négociation physique et elle ne peut pas se masturber. Je suis donc la seule personne qui peut lui donner du plaisir. C’est difficile, car j’aimerais l’aider à être davantage épanouie. Il faut alors se rappeler que le responsable, c’est le handicap, pas moi. Se dire que même si je lui sautais dessus dix fois par jour, sa frustration serait encore là, car elle ne pourrait toujours pas lancer le truc. Et il ne faut pas que je me force, sinon ça casserait tout. 

J’essaie de la rassurer quand elle culpabilise. L’autre jour, elle s’excusait presque qu’on ne l’ait fait “que dans un lit”. J’ai dû lui rappeler qu’on l’avait fait sur une table au camping ! Elle me dit aussi : “Si je pouvais te faire des fellations, tu aurais plus envie.” Mais ça ne changerait rien. Si je n’ai pas envie, je n’ai pas envie. C’est tout. Je dois lui expliquer. J’essaie aussi de la rassurer en lui disant qu’on partage bien plus que ça. Ensemble, il n’y a aucune recherche de performance. Le couple que je forme avec Laétitia est beaucoup plus fort que tout ce que j’ai pu avoir jusqu’ici, justement parce qu’on est obligés d’échanger. Je suis aussi ses bras, ses jambes, je l’aide à manger. À chaque fois, quand je l’aide à prendre sa douche et que je lui lave le dos, nos têtes se rapprochent et on se fait toujours un petit bisou. Même si on s’est disputés juste avant… On partage un rapport intime incroyable. Je suis avec elle 22 heures sur 24. Eh bien, les deux heures sans elle, elle me manque… Ça peut surprendre, mais le non-mouvement apporte des choses. »

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