white van at road during daytime
Une route de Côte d'Ivoire © Eva Blue

Lettre à mon vil­lage incon­nu : « Je me sens triste de ne pas encore avoir fou­lé ton sol »

Causette est par­te­naire de Lettres d’une géné­ra­tion, un site sur lequel les adolescent·es et jeunes adultes fran­co­phones sont invité·es à écrire une lettre à un des­ti­na­taire qui ne peut pas répondre. Toutes les deux semaines, Causette publie l’une de ces mis­sives.
Dans ce 18e épi­sode, Nahi-​Zeinab, qui vit à Abidjan (Côte d'Ivoire), écrit au vil­lage d'où elle vient mais qu'elle n'a encore jamais visité. 

Vous avez entre 15 et 25 ans et sou­hai­tez par­ti­ci­per au pro­jet Lettres d’une géné­ra­tion ? Écrivez-​leur par là !

"Cher vil­lage,
Sans même t’avoir vu, je te connais. D’abord ton nom – Nahibly – qui veut dire « chez Nahi », celui qui a fon­dé le vil­lage. Je ne t’ai jamais connu, mais tu reviens comme une obses­sion année après année.

À chaque rare occa­sion où mon père me parle de toi, je m’imagine mar­cher dans tes rues, visi­tant tes mon­tages, tes cours d’eaux, ta rivière et tes champs de rizières. Je m’imagine tra­ver­sant ta prin­ci­pale rue qui te coupe en deux sur tout le long, d’est en ouest et qui fait ta par­ti­cu­la­ri­té. Au nord, le quar­tier de ceux qui se nour­rissent de pois­son et au sud le quar­tier de ceux qui n’en consomment pas. On raconte que l’un des enfants de ton fon­da­teur était aller­gique au pois­son. Devenu adulte, il s’est sépa­ré de sa famille car ses frères se moquaient de lui et disaient qu’il allait deve­nir un homme poisson.

Tous ces récits sur toi me trans­portent à chaque fois loin, et ren­forcent ce sen­ti­ment de soli­tude qui m’habite. Je me sens triste de ne pas encore avoir fou­lé ton sol. De ne pas encore m’être pen­chée à tes cours d’eau, de ne pas encore avoir dor­mi dans le fin fond ta forêt la nuit tom­bée, de ne pas avoir goû­té à ton bon riz local.

Sans être une grande mili­tante de la pré­ser­va­tion des patri­moines, je pense de plus en plus que des com­bats méritent d’êtres menés pour que des quar­tiers, des vil­lages, des villes comme toi, gardent leur identité.

Vivre au contact de la nature, des rivières, des ani­maux, semble deve­nir un luxe. Pourtant, la nature, tu l’incarnes, Nahibly. Et le sen­ti­ment de la nature a tou­jours été pré­sent en moi. Il est comme une pro­messe d’espoir, celui de te décou­vrir, de fou­ler un jour ton sol. Ce sera pour moi une occa­sion de repar­tir sur de nou­velles bases.

Tes pay­sages, tes rivières, tes braves popu­la­tions (diverses et unies), tes masques , tes us et cou­tumes m’habitent. Tu es pour moi déjà un refuge."

Nahi-​Zeinab, à Abidjan

Lettres d’une géné­ra­tion, épi­sode 17 l Lettre à un blai­reau que je n’ai pas pu sauver

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