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© Lettres d'une génération

Causette.fr, par­te­naire du site Lettres d'une génération

Causette engage un par­te­na­riat avec Lettres d’une géné­ra­tion, un site sur lequel les adolescent·es et jeunes adultes fran­co­phones sont invité·es à écrire une lettre à un des­ti­na­taire qui ne peut pas répondre. Toutes les deux semaines, Causette publie­ra une lettre choi­sie. En atten­dant de décou­vrir la pre­mière d’une longue série, voi­ci l’interview de l’initiatrice de ce pro­jet, Sarah Roubato, une écri­vaine dési­reuse de don­ner la parole aux citoyen·nes de demain.

Sarah officielle retouchée copie
© DR

Causette : Comment vous est venue l’idée du site Lettres d’une géné­ra­tion ?
Sarah Roubato : L’idée m’est venue il y a trois ans après l’écriture de mon livre Lettres à ma géné­ra­tion, dans lequel j’écris à ceux qui ne peuvent pas répondre. À l’écrivain Émile Zola, à ma maî­tresse d’école, à Internet… Je leur ai écrit pour abor­der des sujets de socié­té. J’ai ensuite réuti­li­sé ce prin­cipe dans le cadre d’ateliers d’écriture avec des lycéens. En voyant leur désar­roi face à l’écriture, vue uni­que­ment comme quelque chose de sco­laire, j’ai eu envie de gar­der un lien avec les 15–25 ans et ai donc lan­cé ce site. Pour l’instant, on a publié une tren­taine de lettres, mais on en a reçu deux fois plus.

Le prin­cipe des Lettres d’une géné­ra­tion, c’est spé­ci­fi­que­ment d’écrire à quelque chose ou quelqu’un qui ne peut pas répondre. Une per­sonne dis­pa­rue, un sen­ti­ment, un objet, un concept, un per­son­nage ima­gi­naire. Pourquoi cette contrainte ?
S. R. : Lorsqu’on écrit à un des­ti­na­taire qui peut poten­tiel­le­ment répondre, on com­mence à écrire et rapi­de­ment on se dit : « Ah non, il va pen­ser ça. » Alors on modi­fie notre écri­ture en fonc­tion de la réac­tion sup­po­sée du des­ti­na­taire. Ici, rien à craindre puisqu’il ne peut y avoir de réponses, l’écriture est com­plè­te­ment libérée.

Ce n’est quand même pas un peu dif­fi­cile d’écrire à un objet ?
S. R. : Une lettre, c’est un miroir que l’on tend à soi-​même. La créa­tion lit­té­raire per­met de voir le sujet sous un autre angle, alors écrire sur un objet rend le détour beau­coup plus puissant.

Quelle est la démarche à suivre ?
S. R. : Pour par­ti­ci­per, il suf­fit d’avoir entre 15 et 25 ans et d’être fran­co­phone. Les lettres sont ano­nymes, juste un pré­nom, qui peut évi­dem­ment être un pseu­do. Le sujet et la lon­gueur sont libres. À la récep­tion, nous pro­po­sons à l’expéditeur des modi­fi­ca­tions ou des ajus­te­ments, si besoin. Nous sommes éga­le­ment ouvertes à toute pro­po­si­tion, c’est pos­sible d’envoyer des lettres audio sous forme de rap ou de slam.

Seul·es les adolescent·es et jeunes adultes de 15 à 25 ans peuvent écrire une lettre. Pourquoi cette limite d’âge ?
S. R. : Lettres d’une géné­ra­tion est des­ti­né aux jeunes, parce que mon constat, c'est que la socié­té actuelle les rend glo­ba­le­ment pas­sifs face à ce qui se passe : on les gave de savoir pen­dant toute leur sco­la­ri­té sans leur don­ner la pos­si­bi­li­té d'être acteurs. Isolés, cer­tains s’enferment donc dans des micro­cosmes : leurs séries, leurs lieux de nuit… Le dia­logue inter­gé­né­ra­tion­nel n’existe plus qu’à l’intérieur des familles. En dehors, les jeunes sont qua­si muets en tant que citoyens – sauf bien sûr une frange d’entre eux très poli­ti­sée, que l’on a vue, par exemple, très active ces der­niers temps pour le cli­mat ou contre le sexisme ou encore le racisme. Lettres d’une géné­ra­tion est un espace où tous et toutes peuvent s’exprimer et où l’on écoute ce qu’ils et elles ont à dire. Le site est dédié aux jeunes, mais pas que : c’est un labo­ra­toire de réflexion sur la socié­té de demain, des­ti­né aux parents, aux ensei­gnants et à tous les acteurs de l’éducation. Son ambi­tion, c'est pré­ci­sé­ment de mon­trer que cette jeu­nesse pense le monde d'aujourd'hui et celui de demain. 

Vous esti­mez que le dia­logue inter­gé­né­ra­tion­nel se délite. Pensez-​vous que c’était dif­fé­rent quand vous étiez vous-​même ado­les­cente ?
S.R. : Le cloi­son­ne­ment des géné­ra­tions dans leurs rap­ports sociaux est propre à la socié­té occi­den­tale depuis long­temps. Par contre, il y a un gouffre entre les tren­te­naires d’aujourd’hui et nos petits frères et ça, c’est dû à la tech­no­lo­gie : leur rap­port au monde est dif­fé­rent du nôtre. Prenons le bête exemple de la musique : nous avions des K7 ou des CD, ils n’ont plus qu’un rap­port déma­té­ria­li­sé aux mor­ceaux, sur des pla­te­formes de strea­ming. Ou encore : quand on avait un rendez-​vous, on ne pou­vait pas l’annuler comme ça, parce qu’on n’avait pas de télé­phone por­table. Nous, tren­te­naires, sommes donc peut-​être la der­nière géné­ra­tion d’un monde très phy­sique et sen­suel. On a le cul entre deux chaises, on a cette sen­si­bi­li­té de l’ancien monde de nos parents et on vit dans le monde de la jeune génération.

Qu’est-ce que vous envi­sa­gez ensuite ?
S.R. : Premièrement, j’aimerais agran­dir l’équipe pour que ce pro­jet porte plus loin humai­ne­ment. Dans un second temps, j’aimerais déve­lop­per deux aspects. Le côté oral avec de la musique. Par exemple, l’intervention de sla­meurs qui pour­raient être des coaches pour aider les élèves à lire leurs lettres. J’aimerais éga­le­ment déve­lop­per le côté pré­sen­tiel avec l’organisation des lec­tures dans des vil­lages ou des écoles.

Lettres à ma generation Sarah Roubato © DR

Lettres à ma géné­ra­tion, de Sarah Roubato. Éditions Michel Lafon.

roubato 30ans

30 ans dans une heure, le roman de Sarah Roubato sur sa propre géné­ra­tion (sor­tie en 2018, édi­tions Publie). Plus d'infos ici.


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