Devenue en quelques années une figure du féminisme et de la lutte contre les violences, l’artiste et militante a coréalisé Quand tu seras grand, au cinéma ce 26 avril. Cette incursion auprès du troisième âge dans un Ehpad témoigne d’une crise du soin et alerte sur la négligence dans la prise en charge de nos aîné·es. Un nouveau combat à son actif.

Danseuse de formation, la Bretonne de 43 ans a émergé en 2014 auprès du grand public avec sa pièce Les Chatouilles ou la danse de la colère, adaptée au cinéma en 2018. Elle y rejouait les viols perpétrés par un ami de ses parents et qu’elle a subis, enfant. Après avoir souffert d’amnésie traumatique jusqu’à ses 17 ans, elle porte plainte à 22 ans et, à l’issue d’un procès aux assises, son agresseur est envoyé en prison. Inlassable battante, la réalisatrice et autrice monte régulièrement au créneau quand il s’agit de violences faites aux femmes et aux enfants, quitte à agacer. À l’occasion de son nouveau film Quand tu seras grand, qui orchestre la rencontre improbable entre résident·es décrépit·es d’une maison de retraite et élèves en surchauffe d’un collège voisin en mal de cantine scolaire, elle revient pour Causette sur un nouveau sujet d’indignation pour elle, désormais au cœur de l’actualité : la situation dans les Ehpad.
Causette : Comment avez-vous travaillé pour dépeindre dans le film des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) si proches de la réalité ?
Andréa Bescond : On est allés voir dans des Ehpad, mais on s’est surtout documentés en lisant beaucoup, en visionnant des reportages et des témoignages sur les réseaux sociaux et sur YouTube.
Pourquoi vous êtes-vous intéressée à la situation dans les Ehpad ? Qu’est-ce qui vous a particulièrement alertée ?
A. B. : Avec Éric [Métayer, conjoint et coréalisateur, ndlr], c’est tout simplement parce qu’une membre de notre famille a été placée en maison de retraite et qu’on y va régulièrement. Honnêtement, là où notre proche est placée, c’est quand même un chouette Ehpad, avec des personnes très très investies, ce qui n’est pas le cas partout. On a constaté, surtout, la joie que générait à chaque fois l’arrivée de nos enfants dans les chambres et les couloirs. Alors, pour- quoi ne pas faire un huis clos dans un Ehpad ? On a donc eu l’idée de mélanger les générations pour mettre en exergue la beauté, la richesse humaine : parmi les trois générations montrées dans le film, deux sont un peu abandonnées, l’enfance et la vieillesse. Et puis, au centre, il y a tous les adultes que nous sommes, qui nous débattons avec cette société-là. Et c’est ça qui nous a interpellés, évidemment. Ensuite, il y a eu le Covid.
Vous l’aviez déjà écrit, à ce moment-là ?
A. B. : Oui, c’était un long processus. Cette crise sanitaire nous a permis de nous interroger : on a ressenti une forme de déception sur la solidarité humaine. Sans que ça soit trop gnan-gnan, on a eu envie de montrer que, si les gens et les générations se regardent, s’écoutent un peu, ça fonctionne quand même vachement mieux, l’humanité. Et le but, c’était d’essayer de créer un film qui mette en avant tout le spectre humain et une forme de générosité, mais sans éviter les sujets que sont le chagrin, la maladie, la mort. Et surtout, que se passe-t-il dans les Ehpad, quels sont les problèmes d’effectifs et les conditions de travail ? Il est évident que pour nous, c’était aussi un endroit pour mettre en avant toute la défaillance autour de ce système.

Quelles sont, selon vous, les grandes problématiques liées à ces établissements en France ?
A. B. : Ben c’est toujours pareil, hein : le capitalisme, ce n’est pas un secret… ! Les repas servis coûtent 1 euro, mais quand on voit le coût de ces pensions, ce n’est pas[…]