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Mami Watta, Sara Forever, Keiona, Cookie Kunty et Punani, concurrentes de la saison 2 de Drag Race France. © Nathalie Guyon / France Tv

Drag Race en tour­née : pour­quoi les queens ont conquis le coeur des Français·es ?

Popularisé par le suc­cès de l’émission Drag Race France sur France 2, l’art du drag, éten­dard de la com­mu­nau­té LGBTQIA+, ques­tionne les normes de genre et séduit un large public, jeunes comme vieux et vieilles, hété­ros et queers confondu·es. Alors que les per­for­meuses fortes en gueule de l’émission partent en tour­née triom­phale à tra­vers la France, retour sur ce phé­no­mène feel-good.

Un dimanche d’août, une foule bigar­rée se presse au bar À la Folie, dans le parc de La Villette (Paris 19e) pour assis­ter sur grand écran à la finale de Drag Race France. L’organisatrice, la drag queen Minima Gesté, chou­croute, faux seins pigeon­nants et maquillage outran­cier, com­mente en direct les épi­sodes avec une répar­tie savou­reuse : « J’espère que vous avez pas­sé un aus­si bon été que moi à regar­der des tra­ve­lottes sur le ser­vice public ! » Les tra­ve­lottes en ques­tion sont les drag queens qui se sont affron­tées chaque semaine, cet été, dans cette com­pé­ti­tion catho­dique. Contre toute attente, le pro­gramme a fédé­ré jusqu’à 7 mil­lions de téléspectateur·rices sur France 2. « C’est dingue ce qui s’est pas­sé, com­mente le scé­na­riste Raphaël Cioffi, qui a bataillé cinq ans pour impor­ter et adap­ter cette émis­sion amé­ri­caine en France. J’ai 40 ans et je n’ai jamais vécu des moments qui res­semblent autant à une Coupe du monde pour célé­brer la com­mu­nau­té queer. C’est comme le Mondial, sauf qu’il y a un but toutes les minutes. »

Club kids et come­dy queens

On doit donc à France 2 d’avoir récem­ment popu­la­ri­sé le drag, per­for­mance artis­tique dans laquelle des hommes, géné­ra­le­ment gays, se glissent, sur scène, dans la peau d’un per­son­nage fémi­nin exa­gé­ré jusqu’à la cari­ca­ture. Devenir une queen implique de mobi­li­ser toute une pano­plie com­pre­nant per­ruques, rem­bour­rage, maquillage et cos­tumes éla­bo­rés. Aux unes le bagout, aux autres l’outrance ou le mau­vais goût : cha­cune a son style propre – il y a les reines de beau­té, les club kids (fêtardes), les come­dy queens (comiques)… « Mon per­son­nage est une ver­sion libé­rée de moi-​même, détaille Minima Gesté, per­for­meuse bien connue des salles pari­siennes, qui a pos­tu­lé plu­sieurs fois sans suc­cès pour par­ti­ci­per à l’émission. Mon style est colo­ré et bruyant. Je fais 1,83 m, donc en talon et per­ruque j’arrive à 2 mètres faci­le­ment. Quand je me maquille, c’est pour qu’on me voie depuis le der­nier rang ! » Femmes trans, per­sonnes raci­sées, bar­bues, grosses… la com­mu­nau­té drag s’est éga­le­ment ouverte, au fil des années, à des pro­fils variés.

La pra­tique du drag s’ancre dans une tra­di­tion fran­çaise haute en cou­leur, celle du trans­for­misme. « La France a été le pays qui a vu naître des caba­rets connus dans le monde entier, dans les années 1940 à 1970, comme Madame Arthur, Michou ou Elle et lui », contex­tua­lise Paloma, gagnante de la pre­mière sai­son de Drag Race France. « À l’époque, précise-​t-​elle, ça ne s’appelait pas du drag, il s’agissait d’une culture du tra­ves­tis­se­ment consis­tant à res­sem­bler à des vedettes. » Cette scène riche en per­son­na­li­tés excen­triques jusqu’au tour­nant des années 1990 tombe en désué­tude à la fin des années 2000. Lorsque Paloma, Hugo Bardin dans le civil, emmé­nage à Paris en 2009, elle déchante : « Le drag, c’était deve­nu hyper rin­gard, limite sor­dide et per­sonne ne connais­sait. À ce moment-​là, dans le Marais [quar­tier gay pari­sien, ndlr], on vou­lait voir des mecs mus­clés, pas des hommes efféminés. »


"Ce sont tou­jours des artistes[…]

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