Jeudi dernier, à Nantes, un spectacle musical sur le genre destiné aux enfants s’est retrouvé privé de lumière dans la soirée, en raison d'un sabotage. La municipalité accuse des membres de l’organisation catholique traditionaliste Civitas d’être les auteur·rices de cet acte de malveillance.
« Une atteinte inacceptable à la liberté de création et de diffusion. » Voilà comment a été qualifié le « sabotage » dont a fait l'objet le 6 avril le spectacle Fille ou garçon ?, par Nicolas Marc, le codirecteur du festival Petits et Grands à Nantes, dans lequel l'événement était proposé. La municipalité a annoncé au lendemain de l'incident avoir porté plainte, accusant des membres de l’organisation catholique traditionaliste Civitas d’en être les auteur·rices, note Libération.
Selon un communiqué de la mairie de Nantes, rapporté par le quotidien, « plusieurs membres du collectif d’extrême droite Civitas se sont rassemblés [devant la salle de spectacle Paul-Fort où se jouait la pièce] et ont perpétré un acte de sabotage sur un boîtier électrique extérieur, entraînant une coupure des lumières pendant la représentation ». « Le son restant maintenu, celle-ci a tout de même pu se dérouler jusqu’à son terme », précise la ville.
Le spectacle, présenté comme « tout public à partir de cinq ans » par ses producteur·rices, « pose la question du genre : qu’est-ce qu’être une fille, un garçon ? Qu’est-ce qui nous différencie ? Nous rapproche ? », indique Libération. Les textes des chansons abordent également la question de l’altérité, de la tolérance, de l’amour, de la difficulté à grandir et à se transformer ou encore du regard de l’autre. Le spectacle s'accompagne d'un livre-disque illustré, composé de 11 portraits chantés, qui pose la question des différences entre les sexes et de l'influence du monde adulte sur les enfants dans leur construction, explique Le Figaro.
Suite au sabotage de cet événement, une interpellation a eu lieu jeudi dans la soirée au niveau de la salle de spectacle. Un homme âgé de cinquante ans a été placé en garde à vue pour « des chefs de vol en réunion (un fusible) et entrave à la liberté d’expression. », a précisé le procureur de la République, selon ELLE. Si sa garde à vue a été prolongée vendredi soir, il a été libéré samedi dans la journée, affirme Ouest-France. Le procureur de la République de Nantes, Renaud Gaudeul, a ouvert une enquête.
Le mouvement Civitas dément les faits
Dans un article du quotidien régional Presse Océan , il est mentionné que l'homme impliqué serait un électricien de métier, connu pour être un « opposant des mouvements transgenres ». Il est aussi présenté comme un membre du mouvement catholique traditionaliste Civitas. Une information qu'a démentie le président de Civitas, Alain Escada. « Je m'inscris en faux contre cette accusation. Les militants de Civitas n'ont rien organisé hier soir [jeudi] en marge de ce spectacle. Les membres de la section nantaise m'assurent qu'aucun de leurs membres n'est impliqué dans cette affaire », a‑t-il assuré à ELLE.
Pourtant, l’organisation est responsable de collages réalisés en amont du spectacle, dénonçant sa thématique controversée. André Hisse, le directeur de l’association programmatrice du spectacle, a rapporté que des personnes suspectées de faire partie du mouvement Civitas ont tenté de dissuader des spectateur·rices d’assister à la représentation en amont du spectacle, indique ELLE. Des faits que le président du mouvement a reconnus. « La section Civitas de Nantes a bien dénoncé depuis plusieurs semaines l’organisation de ce spectacle, mais nous avons toujours utilisé des moyens strictement légaux pour nous faire entendre », a‑t-il déclaré. « Les actions menées au nom de Civitas se sont limitées à des tractages et affichages dans les semaines qui ont précédé, ça s’arrête à ça », a insisté Alain Escada auprès de Libération.
Plusieurs plaintes déposées
Le directeur de l’association La Bouche d'Air, qui programmait le spectacle, ainsi que le festival Petits et Grands, qui accueillait l'événement, ont déposé une plainte jeudi soir. Dans la lignée, la ville de Nantes a annoncé « condamner fermement cette action de Civitas, qui avait déjà, au mois de mars, distribué des tracts et placardé des affiches aux abords de plusieurs écoles nantaises, appelant à boycotter ce spectacle », rapporte le quotidien.
L’adjoint à la culture de la ville de Nantes, Aymeric Seassau, a déclaré dans un communiqué que « cet acte violent est une tentative de censure inacceptable et dangereuse de la part d’un groupuscule intégriste déjà connu pour des faits similaires ».
Une première représentation déjà bousculée
Le 15 janvier dernier, une représentation du spectacle Fille ou garçon ? à Sotteville-lès-Rouen (Seine-Maritime), avait déjà fait l'objet d'oppositions. « On ne pensait pas recevoir des critiques de ce type », avait confié au Figaro un membre de la structure d'accompagnement à la création et à la diffusion, soutenant le projet. Il expliquait au quotidien que « le spectacle ne porte pas de jugement, ne dit pas de faire ci ou de faire ça. Il se contente de dire que des choses existent et pose des questions ».
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