Édito. En refusant d’être interviewé·es lors du débat de l’entre-deux tours par la journaliste Anne-Sophie Lapix, Marine Le Pen et Emmanuel Macron dévoilent leurs faiblesses. Officiellement, l’entourage du second récuse l’accusation, accablant son adversaire à l’élection présidentielle. Mais les petits bruits de coulisses de l’Élysee distillés dans la presse donnent à penser que l’objection frontale de la candidate d’extrême droite à cette intervieweuse arrangeait bien le président, qui aurait pris en grippe la journaliste depuis qu’elle a bousculé l'alors premier ministre Édouard Philippe en 2020 au sujet de la gestion de la crise sanitaire du Covid.
Alors que la Syndicat national des Journalistes de France Télévisions ont dénoncé un "droit de véto ou de récusation d'un autre temps" devant "être aboli", le président candidat a trouvé une porte de sortie lui permettant de se démarquer de Marine Le Pen : finalement, a‑t-il fait savoir vendredi, il daignera être interviewé par la journaliste au lendemain du débat entre les deux finalistes, le 21 avril, donc. Il s’en est fallu de peu pour que l’attitude paraisse suspecte, d’autant que les observateurs se gaussent : qui est donc cette femme politique qui prétend à la fonction suprême exigeant d’elle de négocier avec Vladimir Poutine et qui fait un refus d’obstacle vis-à-vis d’une "simple" journaliste ?
Certes, Anne-Sophie Lapix est une professionnelle talentueuse et coriace. C'est d'ailleurs les compliments que lui font les candidat·es en la snobant de la sorte. On se souvient de son interview magistrale de Marine Le Pen en 2012 lors d'une précédente élection présidentielle quand elle avait poussé dans ses retranchements la candidate, et montré par là même l'absence de maîtrise de la femme politique quant à son projet économique.
Au final, France 2 dépêchera Léa Salamé le 20 avril, aux côtés de Gilles Bouleau de TF1. On peut se demander comment ces deux journalistes ont interprété le message. Mais surtout, on peut se demander ce que signifie ce renoncement d'un média du service public, qui cède à une candidate dont on craint qu'elle mette au pas la presse si elle est élue. Il y a quelques jours, elle refusait que dés journalistes de Quotidien assistent à sa conférence de presse. Dans la même semaine, son service d'ordre traînait par les bras une militante écologique à terre, qui avait brandi une pancarte sur les acouintances de MLP avec Poutine. En ce sens, céder au caprice de MLP sur Anne-Sophie Lapix est une manière d'accepter un rapport de force qui pourrait devenir dramatique pour le droit démocratique à être informé si elle est élue le 24 avril.