Le bourg dAjain A
La Creuse, deuxième département le moins peuplé de France, a vu de nombreux médecins quitter leurs fonctions ces dernières années © Amélie Canon pour Causette

Déserts médi­caux : Ajain, le vil­lage aux 50 médecins

À Ajain, une com­mune creu­soise de 1 200 habi­tants, des méde­cins de toute la France se relaient dans un cabi­net soli­daire pour pal­lier le manque de praticien·nes. Huit mois après son ouver­ture, le dis­po­si­tif semble pro­met­teur pour régler en urgence l’épineux pro­blème de l’accès aux soins.

Il fait sombre. Dans cette petite mai­son du bourg d’Ajain, dans la Creuse, la lumière peine à se frayer un che­min. Seuls quelques rayons éclairent un petit salon, dans lequel trône un fau­teuil moel­leux en velours fleu­ri. Joël Tenaille vit seul. « À quoi bon avoir un cana­pé ? » plaisante-​t-​il. Derrière l’humour pointe sa soli­tude. Il est pour­tant entou­ré de tré­sors. Autour de lui, des dizaines de boîtes à musique ornent des éta­gères. Au pla­fond, de vieilles pipes décorent des poutres en bois. À l’image de ses diverses col­lec­tions, ce vieil homme de 78 ans est authen­tique et généreux.

Joël habite ce vil­lage depuis l’âge de 3 ans. Il a tra­vaillé comme aide-​soignant hos­pi­ta­lier dans l’Ehpad situé juste der­rière chez lui. Il refuse d’y mettre les pieds comme patient. Même si une part de lui rayonne, une autre songe déjà à l’après. Il sou­haite vendre sa mai­son et tout ce qu’elle contient aux enchères, le jour où il fini­ra « au bout de la rue ». À savoir le cré­ma­to­rium, à l’entrée du village…

La carte des medecins qui sont passes par le cabinet solidaire A
Affichée sur le mur du cabi­net, la carte des méde­cins pas­sés par Ajain. © Amélie Canon pour Causette

La mort, il a bien failli la tutoyer. Après le départ à la retraite de son « tou­bib », Joël a arrê­té son trai­te­ment contre le dia­bète. « Je n’avais pas envie de cou­rir à per­pète pour une gélule, avoue-​t-​il. Je me suis dit : je ver­rai bien ce que ça donne. » Pendant près de deux ans, Ajain a cher­ché un rem­pla­çant à son méde­cin géné­ra­liste, par­ti à la retraite après qua­rante ans d’exercice. En atten­dant, les 1 200 habitant·es du vil­lage se sont débrouillé·es. Certain·es se sont tourné·es vers des villes voi­sines, d’autres ont été contraint·es de tirer un trait sur leur sui­vi médi­cal. « Les habi­tants me deman­daient sans cesse si j’avais trou­vé un méde­cin, se remé­more Guy Rouchon, maire d’Ajain depuis 2014. Ce ne sont pas les com­pé­tences d’un maire, mais je me devais d’en cher­cher un. »

Le don de rassembler

Il décide de se battre pour sa com­mune. Le 14 décembre 2020, la mai­rie publie une vidéo sur YouTube dans laquelle une petite fille s’adresse à un futur rem­pla­çant et lui décrit le cadre de vie agréable de son vil­lage. Pour com­plé­ter le mes­sage, une pan­carte « Ajain cherche méde­cin » est éga­le­ment ins­tal­lée à l’entrée de la com­mune. Mais rien n’y fait. Jusqu’au jour où Guy Rouchon croise la route de Martial Jardel. « Nous avons fini par trou­ver non pas un, mais cinquante-​deux méde­cins », s’exclame fiè­re­ment le maire. Martial Jardel a 31 ans. Il est méde­cin géné­ra­liste. En 2021, après l’obtention de son diplôme, il réa­lise un tour
de France des rem­pla­ce­ments. À bord d’un camping-​car, il se déplace dans les ter­ri­toires qui ren­contrent des dif­fi­cul­tés d’accès aux soins. « J’ai tou­jours eu un lien très fort avec les déserts médi­caux. Disons que c’est quelque chose qui ne m’est pas étran­ger. Mon père a été méde­cin géné­ra­liste pen­dant qua­rante ans dans une ville qui s’appelle Le[…]

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