Selon des informations de 20 Minutes, le père d’une fille de 11 ans a décidé de traîner l’État devant la justice pour dénoncer “les problèmes d’égalité qui viennent du langage” tel qu’enseigné par l’Éducation nationale.
L’info feel good du jour, bonjour ! 20 Minutes révèle, ce vendredi, la décision d’un père d’attaquer l’État en justice pour “rendre visibles les problèmes d’égalité qui viennent du langage, pour que l’État s’en occupe vraiment”. Papa d’une fille de 11 ans, cet enseignant considère que la grammaire française telle que préconisée par le ministère de l’Éducation nationale est préjudiciable à son enfant, qui affirme avoir déjà été réprimandée à l’école pour avoir utilisé des formules inclusives devant ses instituteur·rices. “L’écriture classique exclut les personnes qui ne sont ni ‘ils’ ni ‘elles’. L’écriture inclusive inclut les personnes, du coup elles sont mieux dans leur peau”, argumente la fillette auprès de 20 Minutes. Et ce n’est pas son père qui va la contredire ; ce dernier vient d’adresser un recours pour excès de pouvoir contre la circulaire du 5 mai 2021, qui proscrit le recours à l’écriture inclusive.
Liberté d'expression
Dans un texte envoyé au Conseil d’État, ce papa – qui souhaite rester anonyme – s’en prend à cette circulaire émise par l’ex-ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer. “La présente circulaire […] crée des conditions de travail défavorables aux femmes et aux minorités de genre, dès lors qu’elles seront régies par des textes maintenant des stéréotypes de genre dans la langue, tout comme elle prive […] les élèves appartenant aux minorités de genre de la possibilité de recevoir des outils langagiers pour se penser et se dire”, écrit le père de la fillette. Il pointe particulièrement du doigt les règles du “masculin qui l’emporte sur le féminin” et du “masculin générique”. Sa fille – sensibilisée à ces enjeux grâce à sa rencontre avec des personnes intersexes, notamment par l’intermédiaire de ses parents – se dit pour sa part “mal à l’aise” avec ces règles qui éclipsent une partie de la population.
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L’enseignant précise n’avoir aucune intention d’imposer l’écriture inclusive, mais vouloir défendre la liberté de sa fille, ainsi que des instituteur·rices qui souhaiteraient la transmettre. “Désormais, cela devient une faute de ne pas utiliser du masculin générique dans une copie. Ce qui n’était qu’un usage parmi d’autres devient le seul accord valable. L’enfant va voir du point médian dans les usages, et différentes graphies dans le monde, mais l’école fait un tri dedans et décide qu’il y en a un qui est une faute. Le message que je porte, c’est que la liberté d’expression doit être protégée. Et qu’il faut éviter la loi du far-west, la loi du plus fort”, explique encore ce papa à 20 Minutes. Son recours en justice s’appuie également sur une étude parue dans la revue American Psychologist ayant “démontré la validité de l’influence de la langue sur les représentations mentales”, arguant que “le recours à un pronom masculin censément neutre génère des représentations plus largement masculines”.
"Le français a des règles"
L’écriture inclusive a cependant de nombreux·euses détracteur·rices. À l’époque de la mise en place de cette circulaire, Jean-Michel Blanquer considérait par exemple que “la complexité et l’instabilité” de l’écriture inclusive risquaient de créer des “obstacles à l’acquisition de la langue comme de la lecture” et d’“entraver les efforts des élèves présentant des troubles d’apprentissage”, arguments classiques contre le langage inclusif.
Certain·es sont plus créatif·ives, comme Cédric Vial, sénateur (LR) de Savoie cité par 20 Minutes. Ce dernier -– également rapporteur d’une proposition de loi pour interdire certaines formes d’écriture inclusive – a déclaré, au sujet des personnes qui ne se sentent pas représentées dans le langage non inclusif : “Il y a aussi des poissons volants, mais ce n’est pas la majorité du genre. Il y a des gens qui pensent différemment, mais ils ne doivent pas l’imposer aux autres.” Poète, ce monsieur Vial ajoute qu’il “peut y avoir toutes sortes d’opinions, mais pour faire société il faut une règle commune. À l’école, on apprend le français, pas l’afrikaner, pas l’esperanto, et le français a des règles”. On notera que certaines règles d’inclusivité, à l’image de l’accord de proximité, font partie des règles de la langue française depuis des siècles.
Pour lutter contre ce conservatisme, ce papa enseignant et son enfant iront donc en justice, avec l’espoir de visibiliser les problèmes de représentation qui découlent d’une approche rigide du langage. La jeune fille ajoute vouloir “aider”, car “il n’y a pas que des hommes et des femmes sur la terre” et nier l’existence de ceux·celles qui ne se retrouvent pas dans cette vision binaire, même seulement dans le langage, est une forme de violence. “Je comprends très bien ce que ça leur fait si on dit quelque chose qui leur déplaît”, conclut-elle.
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