Mercredi 23 septembre, Emmanuel Macron a annoncé l’allongement du congé second parent, de quatorze à vingt-huit jours. Une bonne nouvelle… Mais aussi une façon de griller la priorité à une proposition parlementaire bien plus ambitieuse.
Mise à jour le 23/09/20 à 15h, après annonce d'Emmanuel Macron sur le nombre de jours obligatoires.
Après des mois de tergiversation, le gouvernement s’est enfin décidé à prolonger la durée du congé second parent, souhaitant transformer les quatorze jours actuels à vingt-huit, dont sept obligatoires. La mesure devrait entrer en vigueur en juillet 2021. Dans presque neuf mois !
Pour le moment, les seconds parents disposent de trois jours de congé de naissance payés par l’employeur et de onze jours pris en charge par la Sécurité sociale. Autant dire un truc dérisoire. Le doublement, c’est super, même si on est encore loin des six semaines que nous réclamions dans notre pétition lancée en 2017.
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Victoire du Medef
La commission d’expert·es mise sur pied par le gouvernement et présidée par le neuropsychiatre Boris Cyrulnik sur les « 1 000 premiers jours » de l’enfant préconisait, elle, de l’allonger à neuf semaines. Mais les concertations menées entre les ministères du Travail, des Solidarités et les partenaires sociaux ont abouti à un compromis. Le patronat, en premier lieu, n’avait pas du tout envie de payer pour une avancée sociale en pleine crise économique. Il a été entendu puisque le nombre de jours à la charge de l’employeur reste inchangé.
En sortant du Conseil des ministres et avant de se rendre en déplacement dans un centre de protection maternelle infantile de Longjumeau dans l'Essonne, Emmanuel Macron a choisi la plateforme Instagram pour annoncer qu'au sein de ce nouveau congé que le chef de l'État appelle encore paternité (plutôt que d'inclure les couples de femmes dans son vocabulaire), sept jours seront obligatoires. Les partenaires sociaux qui ont participé aux discussions ne sont guère satisfaits de la décision. « Macron a tranché tout seul pour une durée de sept jours, avant la fin de nos discussions d'ailleurs, mais ça ne repose sur rien », regrette Béatrice Lestic, négociatrice à la CFDTD, qui militait pour un congé obligatoire deux fois plus long. Du côté des militant·es pour une parentalité égalitaire, on trouve aussi que ces sept jours sont bien chiches.
En fixant l'obligation à quatorze jours au lieu de sept, le gouvernement aurait garanti aux futurs seconds parents de pouvoir bénéficier d'un temps plus long auprès des nouveaux nés. « Le président nous vend une avancée avec un congé de 28 jours, mais le risque est grand que dans certaines petites entreprises, les employeurs refusent et que les salarié·es ne puissent, en fait, prendre qu'une petite semaine », s'inquiète Béatrice Lestic.
Pourtant, le président cherche ici un moyen de redorer son agenda sociétal mis à mal par la lenteur des débats parlementaires au sujet de la PMA pour toutes… Et ce alors même que doit être débattue, le 8 octobre, une proposition de loi pour un congé second parent encore plus ambitieux, portée par des députés dissidents de la majorité parlementaire.
Douze semaines au lieu de huit
En effet, une proposition de loi portée par le groupe Écologie Démocratie Solidarité (EDS, un regroupement ex-députés de la majorité LREM), entend calquer le congé second parent sur le congé maternité, en le portant donc à douze semaines, dont huit obligatoires. La proposition de loi veut transformer le terme « congé paternité » en « congé de parenté », mais laisse inchangée la question de la facture, soit trois jours supportés par l’employeur et le reste par la Sécurité sociale. Quel écho peut avoir ce texte maintenant qu’Emmanuel Macron a pris les devants avec une mesure, certes moins révolutionnaire, mais forcément plus pragmatique ? Bon joueur, Guillaume Chiche, le député auteur de la proposition, note que l’annonce présidentielle « va dans le bon sens ». « Le président répond ici à l’attente unanime des Français, qui ont bien compris l’intérêt du congé second parent à la fois en ce qui concerne le développement de l’enfant et une plus grande égalité salariale et face à l’emploi entre les femmes et les hommes. »
Le député annonce à Causette avoir pour l’heure le soutien unanime des parlementaires de l’opposition de gauche. Il poursuit ses discussions avec les parlementaires de la majorité, ne désespérant pas les convaincre d’oser voter son texte. Même s’il sait désormais devoir composer « avec le risque d’un sursaut d’arrogance de la part de la majorité » qui cherchera peut-être à conserver le lead sur cette avancée sociétale.
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