cars parked on parking lot during daytime
Une vue de Kaboul © Farid Ershad

Afghanistan : les vic­times de vio­lences conju­gales et leurs sou­tiens risquent plus que jamais la mort

Suppression du ministère de la Condition féminine, libération d'auteurs de violences conjugales des prisons et fermeture désormais documentée des centres d'accueil des victimes : les femmes afghanes vivent dans la peur.

Les Afghanes et particulièrement celles victimes de violences basées sur le genre sont « fondamentalement abandonnées » aux yeux d'Agnès Callamard, secrétaire générale d'Amnesty International. On savait, depuis septembre, que les talibans avaient supprimé le ministère de la Condition féminine dans la foulée de leur prise de Kaboul. On s'alarmait aussi de la libération de milliers de détenus des prisons afghanes, dont témoignent les observateur·rices de la société civile malgré les dénégations des porte-paroles des talibans. Désormais, Amnesty international alerte sur le démantèlement du système de protection des victimes de violences envers les femmes, qui fait peser un terrible danger aux victimes et aux professionnel·les les accompagnant.

« De nombreuses victimes, ainsi que des personnes travaillant dans les foyers d’accueil, des avocat·es, des juges, des représentant·es du gouvernement et des employé·es des services de protection, sont désormais exposés à des violences, voire à la mort », assène l'organisation dans un compte-rendu publié ce 6 décembre. Pour cerner la situation, l'ONG s'est appuyée sur une série d'entretiens téléphoniques (avec six victimes et 20 personnes travaillant à leur protection, qu'il s'agisse de responsables de foyers d'accueil ou de magistrat·es, issu·es de plusieurs régions du pays) tout au long du mois de novembre.

Destruction du système de protection

Dans un pays où neuf femmes sur 10 subissent au moins une forme de violence conjugale au cours de leur vie, selon la Mission d'assistance des Nations unies en Afghanistan (MANUA), la fermeture des foyers, constatée par les témoins d'Amnesty, est synonyme d'abandon de l'Etat pour des milliers de femmes. « La plupart [de ces foyers qui accueillent et offrent une aide médicale et psychosociale, ndlr] ont été pillés et réquisitionnés par des talibans, affirme Amnesty. Parfois, ceux-ci ont harcelé ou menacé le personnel. Une fois les centres fermés, le personnel a été contraint de renvoyer de nombreuses victimes dans leurs familles, d’autres ont été emmenées de force par des membres de leur famille, d’autres encore ont dû aller vivre chez des employé·es des centres, dans la rue ou dans des situations intenables. » L'ONG rapporte ainsi les propos de Zeenat1, une femme victime de violences de la part de son mari mais aussi de son frère. Zeenat a dû fuir son centre d'accueil lors de l'arrivée des talibans dans sa ville et craint à nouveau pour sa vie : « Je suis sûre qu’ils me cherchent, parce qu’ils savent que le centre a fermé ses portes. » Sa peur, c'est aussi celle d'une directrice anonyme d'un centre qui vit désormais dans la clandestinité avec certaines bénéficiaires de son foyer. « Je vous en prie, implore-t-elle, sortez-nous de là. Sinon, attendez-vous à apprendre que nous avons été tuées. » Une ancienne juge, elle, assiste impuissante à la destruction du système de protection : « Pendant 20 ans, j’ai œuvré à tout construire à partir de rien [...] pour protéger les femmes… Cela demande beaucoup de courage, de sacrifice et d’énergie pour bâtir quelque chose à partir de rien – et puis retour à la case départ. »

Harcèlement des auteurs de violences libérés

La situation pour les Afghanes et les professionnel·les qui les accompagnent est critique : d'un côté, le danger que représentent les talibans, de l'autre, le risque de représailles et persécutions par les auteurs de violences libérés des prisons. Plusieurs témoins interrogées par Amnesty expliquent avoir d'ores-et-déjà reçu des appels menaçants de tyrans domestiques libérés de prison. Selon les informations disponibles, on assisterait également à un renversement de la fonction des lieux d'incarcération : « [Nous avons] reçu des informations crédibles selon lesquelles les talibans ont transféré des victimes au sein du système carcéral, notamment à la prison de Pul-e-Charkhi, près de Kaboul. »

Amnesty international presse le régime des talibans d'autoriser la réouverture des foyers, de rétablir les services de protection et de restaurer le ministère de la Condition féminine pour protéger les femmes. En réponse, le porte-parole des talibans Suhail Shaheen s'est borné à assurer à l'ONG que la justice continuerait à traiter les plaintes de victimes de violences de genre. De façon plus réaliste, Amnesty international demande à la communauté internationale « d’allouer immédiatement des fonds à long terme à ces services de protection et d’évacuer les victimes et les personnes dispensant des services qui sont en danger imminent ».

  1. Le prénom a été modifié[]
Partager
Articles liés

Inverted wid­get

Turn on the "Inverted back­ground" option for any wid­get, to get an alter­na­tive sty­ling like this.

Accent wid­get

Turn on the "Accent back­ground" option for any wid­get, to get an alter­na­tive sty­ling like this.