Travailler plus pour gagner plus ? Obsolète ! La crise sanitaire et le dérèglement climatique nous incitent à repenser notre rapport au temps et à la valeur travail. Si la gestion de carrière et la richesse économique ont du plomb dans l’aile, la réussite personnelle, elle, est de plus en plus plébiscitée par les salarié·es. Le changement, c’est maintenant ?
Burn-out, chômage, confinement. Ce cocktail détonnant a eu raison de l’ancienne vie de Lucile. Cette psychologue clinicienne cumulait trois temps partiels dans des institutions, au prix d’interminables trajets qui morcelaient des journées passées au chevet de personnes en souffrance… Jusqu’à ce qu’elle tombe d’épuisement. Dans une France qui se retrouve confinée du jour au lendemain, elle pointe chez Pôle Emploi. L’occasion de faire un petit bilan : « Je ne voulais pas repartir dans un rythme effréné. J’avais besoin de travailler pour donner du sens à mon existence, mais je n’avais plus envie de m’oublier… », souffle l’intéressée. Aujourd’hui, elle travaille 21 heures hebdomadaires pour un salaire de 1 200 euros net. Pas de quoi faire des folies. Lucile n’a pas de voiture et elle ne prend pas l’avion. « De toute façon, je ne suis pas une très grande consommatrice. Pour les vacances, je vais chez des amis ou dans la famille. Ça oblige à être moins matérialiste, à avoir un rythme de vie plus lent », insiste la jeune femme de 35 ans qui ne voyait pas comment continuer à exercer ce métier de psychologue sans trouver des espaces pour se ressourcer. Mais c’est aussi un choix de vie : « Je veux pouvoir voir des gens, faire des balades, avoir des espaces de création, profiter de moments de solitude… Bref, être disponible dans ma tête pour accueillir des choses qui me mettent en joie. »
Nombreux·euses sont les salarié·es qui, comme elle, rêvent de s’octroyer plus de temps libre, dans un monde bousculé par une pandémie qui pousse à revoir ses priorités. Mais surtout face à une crise climatique qui porte un coup aux valeurs de réussite professionnelle et d’enrichissement personnel régissant nos sociétés occidentales capitalistes. « Pour les personnes de l’âge de mes parents, qui ont la soixantaine, le travail était associé à la productivité, la rentabilité, c’était un socle très important dans la vie, le noyau presque », évoque Lucile. Comment continuer à produire toujours plus quand tout indique l’urgence de décroître ? Et pourquoi continuer de penser que la richesse est forcément économique ?
C’est un nouveau modèle de société qu’appelle de ses vœux le collectif Travailler moins, lancé par une poignée de Nantais·es qui organisent depuis 2017 des apéros after workless, des cafés philos et autres[…]