Tous les vieux secrets de famille liés au sexe et à la mort laissent des traces émotionnelles qui peuvent hanter et faire souffrir les générations suivantes. La psychanalyse transgénérationnelle parle de fantômes familiaux. Pour Bruno Clavier, psychologue clinicien et psychanalyste, seule la parole peut nous délivrer de ces fantômes pour « guérir l’autre en soi ».
Causette : Selon vous, « tout ce qui n’est pas dit est répété ». Un secret de famille se répète forcément d’une génération à l’autre ?
Bruno Clavier : C’est plutôt la douleur liée à un non-dit de famille, ce qu’on appelle les arrière-plans secrets, qui peut se répéter inconsciemment dans les générations suivantes. Dans mon cabinet, de nombreux patients souffrent d’enchaîner toujours les mêmes histoires traumatisantes, comme des fausses couches inexpliquées ou des accidents graves de voiture. Au début, on met ça sur le compte du hasard ou du pas de chance. En explorant son arbre généalogique, une jeune femme, qui en est à sa deuxième fausse couche, va découvrir que sa grand-mère a subi deux interruptions volontaires de grossesse au même âge. Les fantômes récurrents les plus douloureux sont liés aux morts d’enfants. À tous ces patients, je leur dis : « C’est le problème d’un autre, pas le vôtre. Ce qui résiste en vous est en fait ce qui ne vous appartient[…]