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“Je savais que cela nous sépa­re­rait, mais je ne me sen­tais pas prête à fran­chir le pas” : quand le non-​désir d’enfant au fémi­nin met fin au couple

Aujourd’hui, de plus en plus de femmes ne souhaitent pas avoir d’enfant. Un non-désir qui amène parfois à la fin de leur couple. Causette donne la parole à trois femmes qui ont quitté leur compagne ou leur compagnon, malgré un amour toujours présent.

Au moment de se mettre ensemble, c’est un sujet qui arrive souvent très vite sur la table pour les jeunes couples : vouloir ou non des enfants. Certains sont tout de suite sur la même longueur d’onde, d’autres pas forcément, mais entament quand même un bout de chemin ensemble. Plus les années passent et plus la question revient. Et dans son sillage, la fin du couple, qui s’aime pourtant encore. Ce non-désir d’enfant provient de plus en plus des femmes : en 2022, 13 % des Françaises âgées de 15 ans et plus ne souhaitaient pas procréer, contre 2 % en 2006, selon un sondage IFOP datant de l’année dernière 1. Causette donne la parole à trois d’entre elles, qui ont accepté de témoigner anonymement.

Justine, 35 ans, séparée après une relation de trois ans

“Avec mon ex-compagne, dès le début, on savait que l’on n’était pas d’accord. On s’est rencontrées sur Tinder en 2020 et le sujet des enfants est rapidement arrivé. Elle en voulait, mais moi non : je venais de quitter un homme pour cette raison. Mais finalement, mon entourage m’a convaincue que ce qui me bloquait était peut-être le fait d’être enceinte et que ce serait OK si ce n’était pas moi qui portais le bébé. J’ai alors laissé la porte ouverte, mais au fond, je savais qu’il s’agissait d’un désir viscéral que je n’avais pas. Nous avons franchi plusieurs étapes et sommes allées jusqu’à signer un pacte où l’on décrivait ce que l’on était prêtes à faire ou non dans notre relation. On avait décidé qu’il n’y aurait pas de reconnaissance préalable de l’enfant de ma part si elle se lançait dans le parcours d’une PMA. Ce qui signifiait que j’aurais eu à l’adopter ensuite. Cela me dégageait de toute responsabilité dans un premier temps : si la situation ne m’allait pas, elle était d’accord pour que je parte. On ne l’a finalement pas fait.

Mon ex voulait que l’on se pacse cette année et on s’était mises d’accord sur le fait que la demande vienne de moi. Mais je n’y arrivais pas et elle s’en rendait compte. L’annonce du mariage de deux filles qu’on connaissait a précipité notre rupture. Elle pensait que je ne voulais pas me projeter avec elle alors que si : je me voyais avec elle mais sans enfant. On s’est donc quittées il y a quelques mois, car il fallait faire un choix, mais on s’aimait encore clairement. Il est très difficile de se séparer pour ces raisons-là.

Je n’ai ni l’envie ni le désir d’avoir un enfant. Cela me fait stresser et me donne l’impression que je vais perdre ma liberté. Surtout, je ne veux pas être responsable de quelqu’un, je ne possède pas ce désir de transmission. Je trouve que l’on manque de représentations de femmes en couple qui ne souhaitent pas enfanter. Il s’agit encore d’une position très particulière : inconsciemment, j’ai été élevée comme une future mère et je n’ai pas de raison valable de ne pas en vouloir aux yeux de la société. Je suis très proche de mes parents. Ils m’ont soutenue quand j’ai quitté mon compagnon, puis quand je me suis mise avec mon ex-copine, mais ont difficilement compris ce non-désir d’enfant. Je le vois vraiment comme un deuxième coming out, dur à assumer. Aujourd’hui cela va mieux, mes proches ont saisi que ce projet n’était pas ancré en moi.”

Sophie, 39 ans, séparée après une relation de dix ans

“J’ai rencontré mon ancien compagnon dans un bar en 2008, à 24 ans. Nous avions une dizaine d’années d’écart. Très vite nous avons emménagé ensemble et nous nous sommes mariés au bout de deux ans de relation. Il a su assez tôt que je ne voulais pas avoir d’enfant. L’état de la planète m’inquiète, je pense que nous sommes trop nombreux, et je ne me sens pas en capacité d’assurer un avenir serein et fiable à quelqu’un. La question est régulièrement revenue, mais je n’ai pas cédé. Il me disait que l’on pourrait prendre une jeune fille au pair, que nos parents pourraient nous aider, mais pour moi, avoir des enfants signifie s’en occuper. Il a mis de côté son désir en pensant que j’aurais un déclic. À la trentaine, pendant que mes amies tombaient enceintes, nous voyagions, alternions les projets professionnels…

Je savais que cela nous pesait et mènerait à notre séparation, mais je ne me sentais pas du tout prête à franchir le pas. Je lui ai proposé d’adopter, mais il ne voulait pas. Au bout de dix ans de relation, je lui ai dit qu’il devait reprendre sa liberté. Pour apaiser les choses, j’ai fait en sorte de lui donner le sentiment que j’avais 100 % des torts. La séparation a été dure, il l’a mal vécue, mais j’ai ensuite repris mon indépendance. Nous sommes toujours en contact aujourd’hui et toujours un peu amoureux l’un de l’autre. Nous nous appelons, discutons de nos projets et plaisantons sur le fait que nous n’avons pas eu d’enfant. Nous essayons de dédramatiser la chose. De mon côté, j’ai retrouvé quelqu’un avec qui je suis depuis trois ans et la question ne se pose pas.

Je n’ai jamais ressenti de pression de la part de mes parents. J’ai toujours été très claire avec eux. Ils l’acceptent et m’ont dit qu’ils ne voudraient eux-mêmes pas faire d’enfant actuellement. Ils ont peur pour ceux de mon frère et sont presque soulagés de mon choix. J’ai un fort caractère et les gens me prennent comme je suis. Cela me permet d’affirmer mon non-désir. Mais quand je rencontre des gens, les deux questions qui reviennent le plus souvent sont de savoir si je suis mariée et si j’ai des enfants. Il faut toujours que je me défende. Une fois, on m’a même dit que je ne serais jamais une femme si je n’enfantais pas. J’ai eu l’impression que mon utérus appartenait à la société. À ceux qui m’interrogent, je leur demande désormais pourquoi eux veulent des enfants. J’essaie d’inverser la norme.”

Sidonie, 35 ans, séparée après une relation de quatre ans (avant se remettre en couple avec son ex)

“Après quatre ans de relation, au printemps 2022, nous nous sommes quittés avec mon compagnon alors que nous allions emménager ensemble. Nous vivions à distance et avions décidé de partager un appartement dans une même ville. Je devais aussi avoir un autre lieu pour moi afin d’y travailler, comme je suis artiste, et d’y vivre de temps en temps. Mais à l’approche de la quarantaine, se voyant sans enfant, il a finalement été rattrapé par une crise existentielle, un sentiment d’angoisse. Je lui avais dit très rapidement que je n’en voulais pas. La totale dépendance de l’enfant à la mère et la privation de temps libre me faisait peur. Mon non-désir l’avait fait halluciner. Le problème, c’est qu’il possède une capacité d’amnésie assez impressionnante : il oubliait régulièrement ma position quand on en parlait. À chaque fois, cela créait une sorte de déprime chez lui. Il me demandait si j’étais sûre de moi. Et à force de le lui rappeler, cette situation a fait monter plein d’angoisse chez lui. Ces discussions sans fin autour de ce sujet ont précipité notre fin.

Quelques mois après notre rupture, attristée par la fin de notre couple, je suis revenue vers lui. Je lui ai fait une grande déclaration d’amour, lui disant que j’étais prête à changer. Il était totalement désemparé. J’ai alors appris qu’il était avec quelqu’un d’autre, une fille qu’il connaissait et qui cochait toutes les cases de ce qu’il attendait dans la vie. J’étais très en colère et je ne voulais plus lui parler. Il me disait qu’il n’était pas amoureux d’elle, mais qu’il n’arrivait pas à la quitter. Puis, au début de l’année 2023, il m’a recontactée. Nous avons discuté, j’ai déversé des tonnes de colère sur lui et il a reconnu qu’il avait fauté. Je lui ai dit que j’étais à nouveau plutôt opposée à avoir des enfants et qu’il avait un peu trop abordé le sujet au cours de notre relation. Il a admis que ce désir n’était plus très clair chez lui aussi.

Aujourd’hui, il est prêt à venir vivre dans ma ville et trouve chouette l’idée d’un appartement commun et d’un lieu, un atelier, qui ne serait qu’à moi. Nous ne parlons plus tant que ça du projet d’avoir un enfant, mais de mon côté, je sens qu’un flou s’est créé autour de cette question. Je ne suis plus aussi fermée et j’y pense parfois avec plaisir. Mais je crois que si ça devait arriver, ce serait par accident. J’ai pu observer autour de moi des modèles avec des personnes en collocation, ou qui ne sont pas tout le temps avec leur bébé et arrivent à sortir de cette cellule oppressante de l’appartement avec un enfant. D’un côté, je ressens un peu une mini-honte, car j’ai l’impression de ne pas avoir tenu mon non-désir et mes convictions féministes. De l’autre, je me dis que ce n’est pas trop grave.”

  1. L’enquête a été menée auprès d’un échantillon national représentatif de 2005 femmes âgées de 15 ans et plus[]
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