La Fédération des associations générales étudiantes (Fage) a dévoilé, ce matin, les résultats d’une consultation qui soulignent la situation précaire de nombreux·euses étudiant·es, mettant en péril leur bien-être et leur réussite académique.
La Fage a dévoilé, ce mercredi, les “résultats alarmants” d’une consultation intitulée Bouge ton Crous. En France, les Centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires ont pour mission d’améliorer les conditions de vie et de travail de la population étudiante – à savoir sa capacité à se loger, à manger à sa faim, à pratiquer des activités culturelles. Pourtant, d’après les résultats de cette consultation soumise à plus de 7 500 étudiant·es en France métropolitaine, le budget alloué aux Crous, ainsi que le nombre de bourses disponibles et leurs critères, peinent encore à répondre aux besoins des élèves de l’enseignement supérieur.
Des logements sales et éloignés
“Je n’ai plus de logement et loge chez des amis depuis plusieurs mois, ma mère m’a demandé de partir à mes 18 ans, je fais demandes sur demandes, qui sont tout le temps refusées”, raconte un·e des répondant·es de la consultation de la Fage. Le loyer est la première dépense des élèves des écoles supérieures. De nombreux·euses étudiant·es aux revenus modestes dépendent donc d’aides pour parvenir à trouver un logement. Le réseau Crous en proposerait actuellement environ 170 000, pour près de 3 millions d’étudiant·es inscrit·es dans l’enseignement supérieur, dont 675 000 boursier·ères. Il y a ainsi un logement Crous disponible pour dix-sept élèves, ou un pour quatre boursier·ères. Ceux et celles qui n’obtiendraient pas de logement via ce réseau doivent alors passer par le marché privé, où les loyers ne sont généralement pas encadrés, et se résoudre à faire de longs trajets entre leur résidence et leur lieu d’étude.
Lire aussi I Jeux olympiques 2024 : les logements Crous des étudiant·es réquisitionnés
Les résultats démontrent par ailleurs que “32 % des personnes qui n’ont pas de logement Crous n’aimeraient pas y habiter à cause de l’état du bâti”. De nombreux témoignages peuplant le rapport de la Fage font état d’une situation d’insalubrité invivable, où s’invitent cafards et punaises de lit. “J’ai reçu la chambre sale, avec des insectes dans le frigo, on n’a pas d’eau chaude pour se doucher ni de chauffage, et le froid a commencé parce que nous sommes à l’automne. Les nuits, j’étudie et le froid est insupportable dans la chambre. Je dois aller prendre une douche chez une camarade qui étudie à une heure d’ici parce que je n’ai pas d’eau chaude dans ma chambre”, témoigne ainsi un·e étudiant·e en sciences sociales, installé·e dans un logement Crous à Créteil. Ces résidences offrent également peu d’intimité, comme le relate un·e étudiant·e en sciences politiques d’Amiens : “L’isolation est très mauvaise. Je ressens comme si je vivais dans un couloir, entre le bruit incessant, le froid persistant et l’intrusion aléatoire d’un agent du Crous dans mon domicile. C’est une expérience extrêmement désagréable. Mentalement, vivre dans un espace de 9 mètres carrés est éprouvant. Si j’avais suffisamment de ressources financières, je quitterais volontiers cet endroit.”
19% des étudiant·es ne mangent pas à leur faim
En dehors des logements, la Fage pointe aussi du doigt les dysfonctionnements des services proposés aux étudiant·es. Son rapport souligne notamment la nécessité de mettre des espaces de vie à disposition des résident·es des logements Crous, en dehors de ceux proposés sur leur campus, parfois très éloignés. Actuellement, 44 % des répondant·es bénéficiant d’un logement Crous n’ont pas accès à des espaces de travail en dehors de leur chambre ou n’ont pas connaissance de leur existence. Ce chiffre monte à 66 % concernant les lieux de détente. La Fage ajoute que les activités sportives et culturelles, marqueurs importants des inégalités sociales, restent peu accessibles à de très nombreux·euses étudiant·es.
Lire aussi I Harcèlement : enquête en Crous
En ce qui concerne la nourriture, les résultats de cette consultation sont eux aussi préoccupants. Selon les réponses à ce rapport, 19 % des étudiant·es ne mangeraient pas à leur faim et 49 % n’auraient pas les moyens d’acheter des fruits et légumes frais chaque semaine. La Fage attribue notamment ce constat au prix trop élevé des repas des restaurants universitaires (3,30 euros) pour les étudiant·es (boursier·ères et non boursier·ères), ainsi qu’au manque d’accessibilité du repas à 1 euro. Les procédures administratives complexifiées permettant d’accéder à ce tarif seraient en effet un frein à sa bonne mise en place. Or, la Fage considère que cet accès devrait être automatique et ouvert à tous et toutes les étudiant·es. Selon ce rapport, plus de 70 % des restaurants universitaires seraient en outre fermés le soir, et 85 % le week-end, compliquant encore l’accès à un repas à petit prix pour les élèves.
La santé laissée de côté
Parmi les éléments de cette consultation, la Fage a choisi de mettre en avant la situation particulièrement précaire et désavantagée des étudiant·es en filières de santé et formations sociales, “laissés pour compte de l’accès à leurs droits sociaux”. Ils et elles seraient ainsi deux fois moins logé·es en résidence Crous que les autres répondant·es et seraient 65 % à ne pas vouloir y habiter tant ces résidences sont éloignées de leur lieu d’étude. Plus de 22 % des boursier·ères en formations sanitaires et sociales considèrent par ailleurs ne pas avoir accès aux repas à 1 euro, contre moins de 3 % des boursier·ères hors santé.
Si les étudiant·es peinent à s’offrir des repas, qu’en est-il des protections hygiéniques ? 70 % des répondant·es de ce rapport sont des femmes. Héloïse, présidente de l’association étudiante des sages-femmes, et présente lors de la conférence de presse de la Fage, insiste sur le fait que la précarité menstruelle est une réalité pour de nombreuses étudiantes. En 2021, la Fage avait réalisé une étude montrant que 13 % des répondantes devaient faire le choix entre l’achat de protections hygiéniques ou d’un autre produit de première nécessité. Une répondante sur dix fabriquait par ailleurs ses protections pour des raisons économiques, et une sur vingt utilisait du papier toilette en tant que protection pendant ses règles. “Les universités ont l’obligation de mettre à disposition des élèves des protections hygiéniques jetables, rappelle Héloïse. Or, dans la réalité, ce n’est que très rarement le cas. Ou alors, les distributeurs sont vides.” En mars dernier, la Première ministre Élisabeth Borne avait annoncé le remboursement des protections réutilisables pour les moins de 25 ans en 2024, sans que la promesse soit encore suivie d’effet en ce début d’année.
Nécessité de revaloriser le budget des Crous
Face aux résultats qu’elle a récoltés, la Fage est claire : il est temps de revoir les budgets alloués à la vie des étudiant·es. Son rapport a également démontré que de nombreux·euses élèves se voyaient dans l’obligation de se salarier, plus de douze heures par semaine dans le cas de 35 % des répondant·es. Un rythme de travail qui met en péril leur réussite scolaire. Comme le rappelle l’association, la précarité est par ailleurs le premier facteur d’échec académique. “On peut même ne plus parler de précarité, mais de pauvreté” pour une certaine frange de la population étudiante.
La Fage espère que le nouveau gouvernement – actuellement en formation – travaillera vers une revalorisation le budget des Crous et des bourses. Elle considère que ces dernières sont pour le moment accessibles à trop peu d’étudiant·es et que leur manière d’être octroyées, selon le revenu des parents, contribue aux injustices sociales décrites dans ce rapport. “Les étudiants ne doivent pas être perçus comme des ‘enfants de’, mais bien comme des citoyens”, recadre la Fage.