ÉDITO. C’est un geste de solidarité inédit. Comme plusieurs de ses collègues, Nisar Nabil porte un masque chirurgical noir sur son visage ce lundi 23 mai, pour présenter le journal sur TOLOnews, l’une des principales chaînes télévisées indépendantes d’Afghanistan. N’y voyez pas là un geste de précaution sanitaire, mais bien un véritable signe de protestation contre le régime des talibans et les restrictions qu’ils imposent aux journalistes afghanes depuis le 21 mai dernier. Dans la rue comme à l’antenne, elles sont désormais contraintes, par la charia, de porter un voile intégral laissant uniquement voir leurs yeux et leur front.
Le soir même de l’instauration de cette loi, une poignée d’entre elles avait bien tenté, pourtant, de défier les talibans. Apparaissant le visage nu, un simple foulard sur leurs cheveux. Dès le lendemain, la pression que le régime a fait peser sur leur rédaction, les menaçant de perdre leur emploi, a eu raison de leur résistance. Si elles veulent pouvoir continuer d’exercer, les présentatrices n’ont plus d’autre choix que de se couvrir.
En réaction à cette révolution féminine avortée par la force, les présentateurs ont, à l’image du visage caché de leurs consoeurs, porté à l’antenne des masques noirs dès le lundi 23 mai. Des masques qui ont rapidement provoqué une vague de solidarité masculine. Il aura fallu moins d’une semaine pour que cette dernière déferle un peu partout en Afghanistan, sous le hashtag #freeherface (libérez leur visage), repris ensuite par nombre de journalistes du monde entier.
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L’action peut sembler vaine. Il n’y a qu’à voir l’érosion des droits des femmes et des filles depuis neuf mois pour se persuader de la volonté des talibans : invisibiliser totalement et définitivement les femmes de l’espace public. Mais ce soutien masculin inattendu porte un message fort. Enfin, la condition des femmes en Afghanistan semble susciter une prise de conscience. De l’intérieur même du pays et de la part des hommes, pourtant peu nombreux à manifester pour les droits des femmes et des filles depuis le retour des talibans en août dernier.
Si la route peut encore sembler longue – les talibans ont rejeté, vendredi 26 mai, l’appel du Conseil de sécurité de l’ONU à revenir sur les restrictions imposées aux femmes – on peut espérer que cette vague de solidarité en entraînera d’autres. Qui sait, mises bout à bout, elles pourraient devenir la tempête qui renversera le régime.