Les six romans à découvrir ce mois-ci traitent chacun à leur façon de points de rupture.
Usurpation vengeresse
Dans un roman noir, elle serait l’anti-héroïne par excellence. L’Autre Femme, de l’Uruguayenne Mercedes Rosende, s’ouvre sur l’autoportrait d’une narratrice à qui la vie ne sourit pas mais qui a décidé d’en rire. Ursula Lopez est une traductrice solitaire et obèse d’une quarantaine d’années, qui passe son temps à pester mentalement contre ses médecins, gourous diététicien·nes, contre sa sœur parfaite, sa voisine érotomane, sa patronne ou encore le fantôme de son père – qui, dix ans après sa mort, continue de la harceler pour qu’elle cesse de s’empiffrer.
Alors le jour où un kidnappeur lui réclame une rançon afin de libérer son mari, Santiago, Ursula – qui n’a pas de mari – se sent pousser des ailes. Après tout, pourquoi ne pas exploiter son homonymie avec la femme de Santiago, cette « autre » Ursula Lopez qui pourrait être son avatar inversé ? Pourquoi ne pas devenir héroïne de polar ? À rebours des codes du genre, maniant à merveille la fable sociale à la façon des frères Coen et la tragicomédie à la Tarantino, Mercedes Rosende signe un roman mordant et jubilatoire. Un jeu des sept erreurs que l’on déplie avec empressement sans imaginer une seconde la chute prodigieuse qui nous attend.
L’Autre Femme, de Mercedes Rosende, traduit de l’espagnol (Uruguay) par Marianne Millon. Quidam éditeur,[…]