À qui sont la terre et les forêts ? Qui peut s’y installer librement ? Prônant « la désobéissance fertile », certain·es écologistes offensif·ves, mais aussi de simples citoyen·nes désireux·ses de construire leurs habitats légers en pleine nature, s’établissent sur des terrains qui ne leur appartiennent pas. Au risque de se frotter à la justice, mais dans l’espoir de faire bouger les lignes.

© Thierry Laporte
Caroline gérait des établissements de luxe parisiens, Jonathan concevait des programmes télévisés. Il y a deux ans, ces ex-urbains se sont installés avec leurs filles de 2 et 6 ans dans une « cabanoiseau » de 35 m2 lovée en pleine nature sur la commune de Chasteaux, en Corrèze. Un abri dit « compostable », qu’ils ont construit de leurs mains avec des perches de bois récupérées sur le terrain, de la paille et de la terre glaise.
Seuls les vitres et les panneaux solaires pour l’électricité proviennent de l’extérieur. Les bâches du toit sont faites de récup, la paille d’isolement posée par-dessus déborde volontairement afin que les oiseaux puissent venir y nicher pour une cohabitation en bonne intelligence. Ils se chauffent au poêle à bois, leur eau provient des sources.
Le déclic ? Pour elle, un voyage initiatique en Amérique du Sud ; pour lui, la lecture d’un livre, La Stratégie du choc de Naomi Klein (éd. Actes Sud, 2008). Mais aussi leur rencontre avec François, écolo de la première heure, lors d’un voyage en van en 2018. Il vivait dans la forêt depuis une quinzaine d’années de façon autonome. Ils n’ont pas hésité à le rejoindre pour partager son mode de vie. C’est d’ailleurs lui qui leur a appris à construire ce type d’habitat compostable. Depuis, François et le couple de trentenaires ont fait des émules : ils sont désormais une dizaine de personnes à vivre en communauté dans dix « cabanoiseaux ».
Au nom de leur droit à vivre en communion avec la nature, ils revendiquent le fait de construire leurs habitats légers sur des terrains agricoles classés non constructibles. Sauf que jouer les Robinson Crusoé n’est pas si facile et, surtout, pas du goût de tout le monde, à commencer par le maire de la commune. Mais Jonathan et ses comparses résistent : c’est ce qu’ils appellent la « désobéissance fertile ». Une forme d’écologie offensive qu’il a conceptualisée dans un livre qui en prend le titre1 . « C’est un mouvement dont la[…]
- La Désobéissance fertile. Pour une écologie offensive, de Jonathan Attias. Éd. Payot, 2021. Facebook.com/desobeissancefertile.[↩]