Qui sont les “pas­sport bros”, ces mas­cus qui voyagent dans des pays en déve­lop­pe­ment pour ren­con­trer des femmes dociles ?

Sur TikTok, des hommes amé­ri­cains et euro­péens – appe­lés des “pas­sport bros” – dis­til­lent leurs conseils pour ren­con­trer à l’étranger des femmes asia­tiques et lati­nas plus “tra­di­tion­nelles” que ces sata­nées fémi­nistes occi­den­tales. Une démarche bien mas­cu, entre néo-​colonialisme et tou­risme sexuel.

Il y a de ces mots qui font immé­dia­te­ment lever les yeux au ciel : wokisme, fémi­na­zie, islamo-​gauchiste… et bro, ce mot anglais qui veut dire “fré­rot” et s’utilise prin­ci­pa­le­ment dans des envi­ron­ne­ments satu­rés de mas­cu­li­ni­té toxique comme un ves­tiaire de foot ou ces bars où on peut lan­cer des haches en tenue de bûche­ron. Ajoutez à cette ambiance de mâle alpha un désir d’exotisme et vous obte­nez les “pas­sport bros”. Ces der­niers sont les fiers repré­sen­tants d’une nou­velle mou­vance en ligne qui consiste à voya­ger dans des pays en déve­lop­pe­ment pour y ren­con­trer des femmes “tra­di­tion­nelles”, de celles qui sau­ront se mon­trer plus dociles que ces ingrates de fémi­nistes occidentales.

Misère sexuelle

@digital_bromad

Passport bro rizz 🇺🇸 This is a joke guys, but a lot of people think this is how it real­ly goes down in Colombia #pas­sport­bros #colom­bia #pas­sport @Manuela Vargas 

♬ ori­gi­nal sound – Digital Bromad

"Certaines femmes de l'ouest apprennent que 'les hommes, c'est de la merde' et que 'la mas­cu­li­ni­té est toxique' au même âge où d'autres apprennent de quelles manières elles peuvent aider un homme à se sen­tir enten­du et res­pec­té", expose Austin Abeyta, créa­teur de conte­nu connu sur Tiktok sous le nom de Digital Bromad (sub­til jeu de mot entre "nomade" et "bro"). Cet amé­ri­cain de 32 ans compte sur la pla­te­forme chi­noise plus de 530 000 abonné·es, auxquel·les il enseigne l'art de visi­ter le Brésil, la Thaïlande, les Philippines, ou encore la Colombie à la recherche de jeunes femmes locales qui sau­ront les trai­ter avec tous les égards qui siéent à un homme. Mécontents du virage fémi­niste embras­sé par cer­taines de leur com­pa­triotes amé­ri­caines ou euro­péennes, ces "pas­sport bros" veulent une femme "tra­di­tion­nelle", sou­mise à une répar­ti­tion bien gen­rées des tâches.

Comprenez, c'est la dèche sexuelle depuis que la gente fémi­nine a déci­dé d'envoyer val­ser les pré­ceptes patriar­caux qui les main­te­naient dans une posi­tion de subor­di­na­tion (notam­ment éco­no­mique). Une théo­rie mas­cu­li­niste qui ne date pas d'hier et est mas­si­ve­ment reprise au sein de la com­mu­nau­té inter­net des incels, ces "céli­ba­taires invo­lon­taires" frus­trés du zgeg – très pré­sents sur des forums comme Reddit et 4chan – qui nour­rissent une haine ardente envers les femmes qui se refusent à eux et les méprisent. Ces "pas­sport bros" n'en sont qu'une branche aisée qui peut se per­mettre de voya­ger pour remé­dier à la soi-​disant "misère sexuelle" impo­sée par le fémi­nisme dans leur pays.

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Fétichisation

Ces hommes occi­den­taux s’en vont donc joyeu­se­ment faire la cour à des femmes asia­tiques ou lati­nas en bran­dis­sant leur pas­se­port, pro­fi­tant de l’attrait de ce docu­ment pour des jeunes femmes ori­gi­naires de pays pauvres ou en déve­lop­pe­ment. Ces der­nières ne parlent sou­vent pas anglais et se retrouvent donc à acquies­cer face camé­ra au dis­cours mas­cu­li­niste débi­té par Digital Bromad dans ses vidéos. Sur TikTok, le jeune homme ne se contente par ailleurs pas de van­ter les avan­tages du dating exo­tique, mais aime aus­si sou­li­gner la qua­li­té de vie que son salaire amé­ri­cain lui pro­cure dans ces pays. En clair, les “pas­sport bros” sont très à l’aise avec le tou­risme sexuel, mais aus­si la colo­ni­sa­tion. Au risque de vous déce­voir, les bros, ces pra­tiques colo­niales abjectes sont vieilles comme le patriarcat.

S'il ne convient pas d'infantiliser les femmes qui "choi­sissent" d'entrer en rela­tion avec des hommes comme Digital Bromad, il s'agit cepen­dant de sou­li­gner les dyna­miques de pou­voir qui régissent ces rela­tions. La démarche des "pas­sport bros" sent bon la féti­chi­sa­tion et l'abus de jeunes femmes pour qui un pas­se­port amé­ri­cain ou euro­péen peut être syno­nyme d'une vie meilleure, à condi­tion de se mon­trer sexuel­le­ment dis­po­nible, docile et bonne cui­si­nière. Misère quand tu nous tiens.

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