ÉDITO. La mort de Nahel, la semaine dernière, lors d'un contrôle de police, a provoqué pendant plusieurs jours un fort soulèvement d'une partie de la jeunesse, à travers toute la France. Si certains débordements sont regrettables, le ras-le-bol compréhensible d'une population toujours stigmatisée, qui revoit les mêmes drames se dérouler encore et encore sous ses yeux depuis la mort de Zyed et Bouna en 2015, ne semble pas avoir été entendu. La classe politique fait la sourde oreille et s'est illustrée cette semaine par ses réponses totalement WTF… Florilège non-exhaustif de terribles inepties.
Le 30 juin, trois jours après la mort de Nahel, Emmanuel Macron participe à une cellule interministérielle de crise en raison des émeutes qui touchent la France. Le président estime alors que « les plateformes et les réseaux sociaux jouent un rôle considérable dans les mouvements des derniers jours ». « Nous avons vu sur plusieurs d'entre elles, Snapchat, Tiktok, et d'autres, à la fois l'organisation de rassemblements se faire mais une sorte de mimétisme de la violence, poursuit-il. Ce qui chez les plus jeunes conduit à une forme de sortie du réel. Et on a le sentiment parfois que certains d'entre eux vivent dans la rue les jeux vidéos qui les ont intoxiqués. » « Forme de sortie du réel », des jeux vidéos qui les ont « intoxiqués »… Les jeux vidéos, bien sûr… Mais en aucun cas, les violences policières, le racisme systémique… Non ça non…
Que les jeux vidéos créeraient un sentiment de violence est un lieu commun scientifiquement faux, selon une psychologue au HuffPost. Emmanuel Macron a alors rappelé que la loi renforçait « l'exercice d'un contrôle parental » sur les appareils connectés sur internet et que des dispositions allaient être prises pour « retirer les contenus les plus sensibles » dessus. « J'attends de ces plateformes l'esprit de responsabilité », a‑t-il conclu.
Le 4 juillet, Emmanuel Macron, toujours lui, rencontre dans la soirée des membres de la BAC dans une brasserie du nord de Paris, raconte Le Parisien, présent. Alors qu'un agent lui dit qu'il faut « taper au portefeuille » des personnes à l'origine des violences, le chef de l'État répond : « Pourquoi pas, mais au cas par cas, et pas forcément par les allocations familiales. Il faudrait qu’à la première infraction, on arrive à sanctionner financièrement et facilement les familles. Une sorte de tarif minimum dès la première connerie. » Une proposition qui bafouerait, tout simplement, le principe de la peine individuelle, à savoir qu'à chaque peine le juge prend en compte le parcours de l'individu et le caractère de l'infraction commise. N'importe qu'elle « première connerie », quelle que soit sa nature, pourrait alors être sanctionnée de la même manière et viendrait… toucher les familles, sur les épaules desquelles on place toute la responsabilité des violences, sans prendre en compte les multiples schémas familiaux existants. Et surtout les multiples facteurs qui peuvent, dans certains cas, expliquer que les parents puissent avoir du mal à contrôler leur progéniture (précarité, familles monoparentales, travail précaire etc)
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Le 5 juillet, c'est Valérie Pécresse qui a voulu se faire entendre. Avec une idée ré-vo-lu-tio-nnaire : « pourrir les vacances » des « voyous » impliqué·es dans les violences urbaines des derniers jours. Sur RTL, la présidente LR de la région Île-de-France s'explique : « La moyenne d'âge des centaines de personnes qui ont été arrêtées, c'est 17 ans. Le sujet aujourd'hui, c'est que nous avons une justice des mineurs qui n'est pas en capacité de juger en comparution immédiate, ni de les mettre hors d'état de nuire. (…) Il faut pourrir leurs vacances à tous ces casseurs, tous ces incendiaires. Les sanctionner rapidement et les éloigner de leur quartier. » L'élue a demandé de « doubler » la cinquantaine de centres fermés pour mineurs existants en France et de « baisser la majorité pénale à 16 ans ». Vraiment super Valoche.
Mais la palme du génie revient au garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti. Car, toujours le 5 juillet, décidément un jour riche en propositions, il a annoncé lors des questions au gouvernement au Sénat avoir « rédigé un flyer » à destination des parents pour expliquer « en termes simples », à ceux qui les « auraient oubliées », quelles sont leurs obligations. Ce tract, consulté par BFMTV, reprend trois « responsabilités » des parents : leur responsabilité civile, leur responsabilité pénale, et leur obligation de se présenter à une convocation devant la justice de leur enfant. Ces flyers seront distribués dans toutes les juridictions pour être donnés aux parents dont les enfants sont présentés à la justice. Franchement, on en est là quoi !
Le 6 juillet, il ne manquait clairement plus qu'elle : Nadine Morano. Invitée de BFMTV, la députée européenne LR reconnaît que si certains de ceux à l'origine des violences sont bien « français », d'autres sont « pour certains binationaux ». « Ceux qui sont binationaux et qui portent atteinte aux intérêts de notre pays, qui brûlent des bâtiments publics doivent être déchus de leur nationalité. C'est ce que nous avons proposé avec Les Républicains et c'est important. », a‑t-elle tout simplement proposé, sans aucune gêne ou retenue.