fbpx

Laure Adler : « Avancer dans la vie, c'est du plus »

La jour­na­liste et pro­duc­trice de l’émission L’Heure bleue, sur France Inter, publie La Voyageuse de nuit, un récit per­son­nel et poli­tique sur l’âge et la place des vieux et des vieilles dans la socié­té. Entretien avec une femme qui donne envie de vieillir !

115 halte au jeunisme laure adler 1 marie rouge pour causette
Laure Adler © Marie Rouge pour Causette 

Causette : Qu’est-ce qui vous a inci­tée à écrire
un livre sur la vieillesse ?

Laure Adler : Mon âge ! Et la relec­ture de l’essai de Simone de Beauvoir, La Vieillesse, que j’avais déjà lu il y a des années et qui m’avait tout à fait inté­res­sée, mais qui ne m’avait pas per­cu­tée, comme disent les jeunes. Par le plus grand des hasards, j’ai rou­vert ce livre il y a envi­ron quatre ou cinq ans. Et là, je ne l’ai pas du tout vu de la même manière. Je me suis dit que beau­coup de temps s’était pas­sé à ­l’intérieur de moi et à l’intérieur de la socié­té. Je me suis dit que rien n’avait chan­gé, que les choses s’étaient même aggra­vées, que vieillir était encore plus syno­nyme d’exclusion. Et puis ­j’arrivais aus­si à un moment où s’est pro­duite une inver­sion de géné­ra­tions, c’est-à-dire que mes parents, qui m’avaient édu­quée, pro­té­gée, qui m’avaient don­né de l’élan pour embras­ser ma vie, étaient en train, eux, de deve­nir fra­giles et vul­né­rables. La théo­rie a rejoint la vie la plus intime et j’ai com­men­cé ce car­net de bord. 

“Les vieux et les vieilles font peur, car ils et elles annoncent ce qu’on va deve­nir et auquel on ne peut pas échapper”

Laure Adler

En quoi vieillir est syno­nyme d’exclusion ?
L. A. : C’est d’abord une invi­si­bi­li­sa­tion. Il faut quit­ter le champ du regard de la socié­té, car vous êtes un sur­plus. Les vieux et les vieilles font peur, car ils et elles annoncent ce qu’on va deve­nir et auquel on ne peut pas échap­per. C’est un rejet col­lec­tif incons­cient. Simone de Beauvoir le dit elle-​même. Elle raconte que, jusqu’à ses 65 ans, les vieux l’agaçaient. Ils mar­chaient trop dou­ce­ment, ils ne fai­saient pas la queue dans les maga­sins. Et puis, un jour, elle a réa­li­sé qu’elle appar­te­nait à ce groupe social. Elle avait chan­gé de camp. Moi aus­si j’ai chan­gé de camp. Et de cet autre côté, on s’aperçoit qu’il y a très peu de place pour nous. On cherche à vous faire déga­ger. Moi, je crois que la vieillesse, ce n’est pas la double peine. Il ne faut pas écou­ter ce que la socié­té vous dit d’être, c’est-à-dire inef­fi­cace, en trop, moche, encom­brant, inutile face au flux de la vie.[…]

La suite est réservée aux abonné·es.

identifiez-vous pour lire le contenu
Ou
Abonnez-vous à partir de 1€ le premier mois
Partager
Articles liés
portrait of harriet tubman 1820 1913 american abolitionist by benjamin f. Powelson Auburn New York USA 1868

Harriet Tubman, l'enchaînée déchaînée

Née esclave aux environs de 1820 dans le Maryland, Harriet Tubman va se défaire de ses chaînes en s’enfuyant vers le nord des États-Unis. Elle rejoint l’Underground Railroad pour aider des esclaves noirs à passer du Sud vers le Nord, et en libère à...

HS11 eve ensler 2

Eve Ensler : le mono­logue du pardon

La dramaturge poursuit son combat contre les violences faites aux femmes en publiant Pardon. Une lettre d’excuse qu’elle aurait voulu que son père, qui l’a abusée et battue, lui adresse.