Alors que le président candidat à sa propre réélection renouvelle son positionnement « féministe » en faisant de nouvelles promesses, Causette a questionné dix expertes sur les actions menées lors du premier mandat.

« La grande cause de mon nouveau quinquennat, si je suis réélu, sera l’égalité femmes-hommes, encore ! » La phrase prononcée par Emmanuel Macron, lundi 7 mars 2022, lors d’une émission intitulée Face aux Françaises diffusée sur LCI, a de quoi nous laisser songeuses. Le candidat considère-t-il que le président sortant n’a pas fait le boulot en matière de défense des droits des femmes, sujet pourtant érigé comme priorité de son mandat ? Pour illustrer son volontarisme, Emmanuel Macron n’a pas lésiné sur les promesses : création d’une juridiction spécialisée contre les violences sexistes et sexuelles, développement du dépôt de plainte en ligne ou mise en place d’un fichier des conjoints violents. Sur le papier, ces mesures vont dans le bon sens. Mais gare aux attentes. Car pendant cinq ans, le chef de l’État a beaucoup parlé des droits des femmes et de la lutte contre les violences.
Entre les textes de loi marquants (PMA pour toutes, loi contre les violences conjugales, création d’un outrage sexiste), la tenue d’un Grenelle contre les violences conjugales ou la déferlante #MeToo, le sort des femmes est – enfin ! – devenu une thématique majeure dans la vie politique. Mais derrière les discours de celui qui se présente comme « féministe », quelle est la réalité des actions ? Le gouvernement a‑t-il réuni les moyens pour lutter efficacement contre les inégalités de genre ? Les promesses ont-elle été tenues ?
Nous avons posé la question à dix observatrices avisées et engagées. Que retiennent ces actrices de terrain et ces expertes du mandat qui s’achève ? Nous avons divisé le vaste sujet des droits des femmes en cinq thématiques : égalité économique, santé reproductive, violences sexistes et sexuelles, féminicides et parité dans la vie publique et politique. Pour chacun des thèmes, ce sont donc elles qui font le bilan.

1. Égalité économique et professionnelle
En 2022, les femmes continuent de gagner moins que les hommes. Plusieurs mesures comme la création de l’index de l’égalité professionnelle ou la mise en place de quotas dans les directions des entreprises doivent permettre plus de transparence et un meilleur accès aux postes de pouvoir. L’allongement du congé paternité constitue aussi une autre des avancées de ce quinquennat. Ces avancées peuvent-elles vraiment faire reculer les inégalités professionnelles ou sont-elles encore insuffisantes ?
Rachel Silvera économiste, spécialiste des inégalités de genre dans le travail
« Je porte un regard mitigé sur le quinquennat écoulé. Le président a mis lui-même la barre très haut en faisant de l’égalité femmes-hommes la grande cause du quinquennat. S’il n’avait pas placé le curseur à un niveau aussi élevé, mon regard serait peut-être plus nuancé. En matière d’égalité économique, il y a eu deux textes de loi. On pourrait se dire que le contrat est rempli. Sauf que quand on regarde de plus près, ce n’est pas le cas. Le premier texte a créé l’index de l’égalité professionnelle, auquel sont soumises toutes les entreprises de plus de cinquante salariés. Cet index n’a pas tenu ses promesses, car les entreprises ont gardé la main sur le mode de calcul. Résultat : elles ont toutes eu des notes très correctes. Le seul critère sur lequel les choses ont évolué, c’est l’obligation d’augmenter les femmes de retour de congé maternité – un point fixé par la loi depuis 2006 – que les entreprises avaient visiblement oublié de respecter. Hélas, cet outil ne permet pas de connaître l’ampleur des augmentations accordées. Pour caricaturer, on peut dire qu’il suffit d’accorder un euro supplémentaire pour remplir ce critère. Le deuxième texte, c’est la loi Rixain pour l’égalité économique et professionnelle, adoptée en décembre 2021. Là aussi, il s’agit de promouvoir les femmes à des postes de pouvoir, dans les comités exécutifs des entreprises. L’instauration de quotas est une avancée, mais le texte impose 30 % de femmes d’ici à 2027 et 40 % en 2030. On n’est pas à 50/50. Il ne faudrait pas trop froisser les hommes ! Pour moi, les mesures de ce quinquennat ont surtout favorisé les femmes privilégiées, comme les cadres supérieures. C’est une forme de parité au sommet. Or l’égalité doit se décliner dans tous les lieux et pour toutes les femmes. »