Lauréate du prix Women in Motion qui lui a été décerné le 7 novembre dernier et qui vise à mettre en lumière le travail des femmes artistes, la photographe Sabine Weiss a traversé et documenté le siècle en photos. Un honneur tardif bien mérité.

A 96 ans, Sabine Weiss a reçu son prix comme un cadeau. Un honneur arrivé tardivement dans la carrière foisonnante de cette femme photographe qui a traversé le siècle avec son œil avisé et multiple. Seule représentante féminine du mouvement humaniste, porté notamment par Robert Doisneau, elle fut une photographe de référence, inclassable dans son approche du métier. Une originalité et une indépendance qu’elle cultivera toute sa vie à travers des clichés pris dans le monde entier : des photos de mode, des reportages, des portraits de vedettes ou de personnalités politiques, mais aussi de personnes invisibilisées, vivant très modestement et parfois même dans la rue. « La seule chose que je n’ai pas traitée, c’est le terrain de guerre », raconte-t-elle. Autrement, elle les a tous foulés. Plus concentrée sur son travail que sur sa notoriété, elle est pourtant très sollicitée, publiant tour à tour pour Life, l’officiel de la Couture ou Elle. Le coup de projecteur s’est fait attendre mais le prix Women in Motion arrive à l’apogée d’un parcours d’une richesse infinie. Les délibérations qui ont eu lieu le vendredi 7 novembre ont donc sacré cette dame de 96 ans, qui a vécu mille vies à travers l’objectif de son appareil. A l’origine de cette récompense, le groupe Kering qui vise à saluer le parcours de femmes artistes, et notamment de l’image. Depuis 2016, le groupe s’est associé aux Rencontres photographiques d’Arles et renforce ainsi son engagement auprès des femmes photographes.
« Ne vous inquiétez pas, je suis assise confortablement dans mon fauteuil, j’ai tout mon temps pour vous ». On imagine bien ce fauteuil dans la maison atelier de Sabine Weiss, au cœur du 16ème arrondissement de Paris, où elle s’est installée 70 ans auparavant avec son mari Hugh Weiss, décédé depuis. « Mon mari m’avait dit : « la pièce principale fait 5m sur 5m, ne t’inquiète pas il y a un robinet dans la cour pour tes tirages ! » Elle, née en Suisse, se passionne pour la photographie depuis l’enfance. Lui, jeune américain fraichement débarqué à Paris, est artiste peintre. Le couple partage alors cette petite demeure où Sabine Weiss vit encore. A l’époque la jeune femme avait aménagé une chambre noire dans l’espace sous-pente alors que Hugh peignait à côté. « Nous étions heureux vous savez. »
Quand on demande à la femme nonagénaire, de nous raconter son attrait pour la photographie, les souvenirs sont aussi nets que les clichés. « Je devais avoir 11 ans, je m’étais achetée dans une boutique très bon marché un petit appareil photo noir, d’un format qui n’existe plus », s’amuse t‑elle. « Je me souviens avoir fait mon premier film et avoir collé des photos de ma famille dans un album. » La toute jeune[…]