La pietà d’aujourd’hui est noire. Et cette image n’est que trop réelle. Ces mères portant leur fils dans leurs bras n’ont pas perdu leur enfant. Mais elles auraient pu. Car chaque jour, aux États-Unis (mais ailleurs aussi, on le sait…), des femmes à la peau noire se demandent qui sera le prochain à être tué face contre terre. Leur fils, leur frère, leur mari ?
Ici, dans la série Stranger Fruit, elles sont mises en scène par le photographe Jon Henry, originaire du Queens, qui a commencé ce travail dès 2014 en réponse aux meurtres perpétrés dans tout le pays par la police. Car « derrière la fureur médiatique, les poursuites juridiques et les manifestations, il y a la douleur des mères qui, indépendamment des décisions de justice, doivent continuer à vivre sans leur enfant », écrit-il. Pour symboliser cette douleur par procuration, sans cesse redoutée et dans laquelle toutes se projettent irrémédiablement, Jon Henry a photographié ces mères dans leur environnement, leur demandant d’interpréter ce que cela doit être que d’endurer cette peine. Le résultat résonne plus que jamais aujourd’hui. Et soudain, on pense à la mère de George Floyd, à celle d’Adama, et à toutes les autres…