Entre 2017 et 2019, les photographes Cécile Cuny, Hortense Soichet et Nathalie Mohadjer ont sillonné la France et l’Allemagne pour nous ouvrir les portes des entrepôts de logistique. Le résultat de ce travail au long cours est une expo instructive et humaniste, à découvrir jusqu’au 20 septembre à la Maison de la photographie Robert-Doisneau, à Gentilly (Val-de-Marne).

Ils et elles s’appellent Didier, Weheb, Manuella, Maximilien, Sylvie, Moussa, Olivier, Franziska, Nina, Mostafa et Santa. Et ont entre 28 et 56 ans. Ils et elles sont manutentionnaires, préparateur·rices de commandes ou intérimaires dans la logistique. Depuis quelques mois pour certains ou trente ans pour d’autres. Ces ouvriers et ouvrières de la logistique, d’ordinaire invisibles, sont mis en lumière dans l’expo « On n’est pas des robots, ouvrières et ouvriers de la logistique », jusqu’au 20 septembre à La Maison de la photographie Robert-Doisneau de Gentilly (Val-de-Marne).
Cette expo repose sur une enquête sociologique et photographique menée pendant trois ans par les photographes Cécile Cuny, Hortense Soichet et Nathalie Mohadjer en France et en Allemagne. Elle nous dévoile les coulisses des entrepôts de la logistique. La logistique désigne toutes les activités d’entreposage et de préparation de commandes destinées à la grande consommation et à l’industrie. Le secteur représente 17 % des emplois en Allemagne – où il est le premier employeur d’intérimaires (21,7 %) – et 13 % des emplois en France – où il est le deuxième recruteur d’intérimaires (12,2 %).
Les trois photographes ont étudié quatre entrepôts : trois qui alimentent les supermarchés et les grands magasins et un qui approvisionne un fabricant de panneaux solaires. La présentation de leur enquête, organisée sur deux étages, est une plongée passionnante dans un secteur dont on entend parler qu’à coups de scandales Amazon, mais qui a encore montré son utilité pendant le confinement.
À l’origine de cette exposition, Cécile Cuny, photographe, sociologue et maîtresse de conférence à l’École d’urbanisme de Paris (EUP), explique à Causette la genèse du projet.
Causette : D’où vous est venue l’idée de cette expo ?
Cécile Cuny : Le point de départ était d’étudier le monde ouvrier en prenant le contrepoint des discours sur la désindustrialisation et la disparition de cette classe de travailleurs. C’est comme ça que j’ai découvert la logistique… Je voulais montrer que, certes, des usines ont été délocalisées, mais la logistique s’est développée en parallèle. Car, à un moment, on a besoin de faire revenir cette marchandise, qu’il faut donc gérer. L’idée était donc de travailler sur ce qu’on appelle en sociologie la recomposition des mondes ouvriers, selon laquelle ces mondes n’ont pas disparu, mais sont redistribués sur d’autres activités. La logistique est rattachée au tertiaire, mais quand on regarde de plus près, l’organisation du travail y reste celle d’un monde très industrialisé.
Comment avez-vous procédé pour réaliser ce travail d’enquête photographique ?
C. C. : Ce projet devait se dérouler sur quatre villes, en France (Marne-la-Vallée et Orléans) et en Allemagne (Kassel et Dietzenbach, respectivement au nord et au sud de Francfort). J’ai donc décidé de le réaliser en collectif, avec Hortense Soichet et Nathalie Mohadjer. On était trois photographes, aidées de sociologues et de biographes. La photo est une manière d’entrer sur le[…]
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