La mort de Giulia Cecchettin, vraisemblablement assassinée par son petit ami, suscite une vive émotion à travers toute l’Italie. Entre l’appel à la révolte d’une sœur endeuillée et les réactions d’un gouvernement italien à la ramasse, retour sur un féminicide qui secoue le pays.
Mardi, l’Italie observait une minute de silence en hommage à Giulia Cecchettin, victime du 102e féminicide de l’année, selon les informations du ministère de l’Intérieur italien. L’étudiante de 22 ans a été retrouvée samedi dernier au fond d’un ravin près du lac Barcis, à une centaine de kilomètres au nord de Venise. Son petit ami, Filippo Turetta, également âgé de 22 ans, a été arrêté le même jour en Allemagne. Il est le principal suspect de cette affaire qui ébranle actuellement toute l’Italie et amorce un mouvement de revendications.
Au sein des milieux féministes, l’heure n’est pourtant pas au deuil mesuré. La mort de Giulia Cecchettin a embrasé le débat sur les violences de genre et le patriarcat encore très présents dans le pays. La consigne, dictée par Elena Cecchettin, sœur de la victime, est de faire du bruit face à cette tragédie, celle de trop pour de nombreux·euses Italien·nes. Dans les écoles et dans la rue, la colère et l’indignation se font depuis retentissantes. Des vidéos dans des lycées à travers l’Italie montrent des élèves répondre à la minute de silence de l’État par un boucan assourdissant, symbole du ras-le-bol des (jeunes) femmes. “Nous sommes contre cette minute de silence, ce silence qui opprime les femmes”, déclare une étudiante anonyme dans une vidéo relayée sur les réseaux sociaux. “Nous sommes fatiguées d’avoir peur, de nous taire”, résume-t-elle.
Sur X (ex-Twitter), la journaliste italienne Monia Venturini a également partagé cette vidéo d’un lycée romain filmé à l’heure de la minute de silence nationale dédiée à Giulia Cecchettin. Une minute de bruit pendant laquelle les couloirs résonnent d’un “toutes ensemble on fait peur” scandé en chœur. Le week-end dernier, de nombreuses veillées et manifestations ont eu lieu dans toute l’Italie, avec un rassemblement plus grand prévu le 25 novembre à Rome, à l’occasion de la Journée internationale contre les violences faites aux femmes. Les médias transalpins font état d’une “mobilisation sans précédent”. Autant d’événements qui traduisent la vive émotion suscitée par la mort de la jeune femme de 22 ans, ainsi que la colère d’un pan de la population révoltée par la culture patriarcale italienne, savamment entretenue par le gouvernement conservateur à la tête du pays.
Ce qui est arrivé à Giulia Cecchettin
Giulia Cecchettin, qui était étudiante en ingénierie, est décrite comme une personne très sociable. Dans une enquête du Corriere della Sera, Filippo Turetta est au contraire dépeint comme un jeune homme réservé et casanier. Plusieurs témoignages le disent “obsessionnel”, jaloux et possessif. Turetta n’aurait jamais accepté que Giulia Cecchettin rompe avec lui et aurait exercé sur elle des pressions psychologiques tout au long de leur relation.
Le soir du 11 novembre dernier, tous deux disparaissent. Giulia Cecchettin a dîné avec Filippo Turetta dans un fast-food, selon les éléments relatés dans l’ordonnance de détention provisoire émise par la juge d’instruction Benedetta Vitolo. À 23 heures, un riverain raconte avoir vu la jeune femme se faire rouer de coups, avant d’être traînée de force à l’intérieur de la Punto noire de son ex-petit ami. Toujours selon l’ordonnance relayée par les médias italiens, les images de vidéosurveillance d’une zone industrielle dans la région de la Vénétie montrent ensuite une séquence d’une “violence et férocité sans précédent”, d’après la juge du parquet de Venise. Pendant vingt-deux minutes, Giulia Cecchettin tente de fuir, se débat, est violentée et projetée au sol par “quelqu’un de manifestement plus grand[…]