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© Amnesty Northern Ireland

Irlande du Nord : le che­min de croix pour accé­der à l’avortement

Une loi mais pas d’actes. Malgré la léga­li­sa­tion tar­dive de l’IVG, votée fin 2019, les Nord-​irlandaises doivent encore lut­ter pour leurs droits. L’inaction des pou­voirs publics entrave for­te­ment l’accès à l’avortement. 

Près de 400 Nord-​irlandaises ont tra­ver­sé la mer d’Irlande en 2020 pour aller avor­ter en Angleterre ou au Pays de Galles. Pourtant, l’IVG est auto­ri­sée dans la pro­vince jusqu’à 12 semaines de gros­sesse depuis 2019. « Les auto­ri­tés n’ont pas réus­si à prio­ri­ser la san­té des femmes durant une pan­dé­mie meur­trière », déplore, auprès de Causette, Grainne Teggart, char­gée de cam­pagne pour le bureau nord-​irlandais d’Amnesty International.

Un manque de volon­té politique 

Si la loi a chan­gé, la réa­li­té est bien dif­fé­rente. « L’exécutif nord-​irlandais et le minis­tère de la san­té ont échoué à four­nir les ser­vices d’accès à l’avortement », explique Grainne Teggart. Les ser­vices de san­té sexuelle et repro­duc­tive sont sous-​financés et les éta­blis­se­ments n’ont pas les res­sources suf­fi­santes pour répondre conve­na­ble­ment à la demande.

Cette situa­tion résulte d’une confi­gu­ra­tion poli­tique par­ti­cu­lière. Le gou­ver­ne­ment nord-​irlandais ne sou­tient pas la léga­li­sa­tion de l’avortement. La réforme a été votée alors que cette nation consti­tu­tive du Royaume-​Uni était diri­gée direc­te­ment par Londres, en l’absence d’un gou­ver­ne­ment décen­tra­li­sé local, faute d’accord entre par­tis poli­tiques. Conséquences, le pou­voir aujourd’hui en place doit mettre en œuvre une nou­velle loi à laquelle il est pour­tant opposé.

Le minis­tère de la Santé d’Irlande du Nord n’a pas de plans ou de bud­gets clairs et éta­blis pour mettre en place un accès sûr et durable aux ser­vices d’avortement dans l’ensemble du ter­ri­toire. Aucun site gou­ver­ne­men­tal ne pro­pose d’information sur la ques­tion. « La réa­li­té pra­tique c’est que nous avons des lois pro-​choix mais nous avons besoin de ser­vices adé­quats », affirme Grainne Teggart. Amnesty International qua­li­fie la situa­tion actuelle de « lote­rie au code pos­tal », notam­ment car cer­taines zones d’Irlande du Nord sont tota­le­ment dépour­vues d’accès à l’avortement. 

Le col­lec­tif Doctors for Choice rap­pelle que le pro­blème ne vient pas tant de l’objection de conscience de certain·es practicien·nes mais bien d’une absence de volon­té poli­tique. « Il y a assez de méde­cins prêts à garan­tir l’accès à l’avortement dans toute le pays, observe Leanne Morgan, membre de Doctors for Choice. Le blo­cage se fait au niveau du minis­tère de la Santé. »

Une situa­tion cri­tique et urgente 

Alors que l’exécutif ne tient pas ses enga­ge­ments, les Nord-​irlandaises dépendent mas­si­ve­ment des struc­tures asso­cia­tives. Or, si rien ne change, le nombre d’avortements effec­tués en Irlande du Nord pour­rait dras­ti­que­ment bais­ser. Informing Choices est une réfé­rence en Irlande du Nord et four­nit un sou­tien sur toutes les ques­tions sexuelles ou repro­duc­tives. Toutefois, elle a annon­cé dans un com­mu­ni­qué qu’elle ne four­ni­rait plus les aides d’accès aux ser­vices d'avortement médi­ca­li­sé pré­coce si elle ne reçoit pas de finan­ce­ments avant le 1er octobre.

« Le sys­tème est sur les rotules et va s’effondrer », alarme Grainne Teggart. Face à cette situa­tion, comme au temps où Belfast avait la sanc­tion pénale la plus sévère d’Europe en matière d’avortement, les femmes doivent par­fois se rendre dans une autres des quatre nation du Royaume-​Uni. Dans la période pan­dé­mique actuelle, avec la plu­part des vols sus­pen­dus, de nom­breuses femmes sont ame­nées à faire 2 jours de voyage en bateau pour rejoindre Liverpool ou Manchester pour avorter.

« Normaliser ce droit humain fondamental »

Les mili­tantes pro-​choix en appelent donc à Londres pour résoudre la situa­tion. Le secré­taire d’Etat char­gé de l’Irlande du Nord, Brandon Lewis, a obte­nu le 31 mars der­nier des pou­voirs pour diri­ger direc­te­ment la com­mis­sion pour l’accès à l’avortement en Irlande du Nord. Il a néan­moins décla­ré « pré­fé­rer net­te­ment que l'exécutif d'Irlande du Nord assume lui-​même la res­pon­sa­bi­li­té de faire res­pec­ter ces droits ».

Stand-​by, donc. D’autant plus que le par­ti au pou­voir en Irlande du Nord, le très conser­va­teur DUP, a élu en juin un nou­veau pre­mier ministre, Paul Givan, qui a déjà pré­sen­té un pro­jet de loi visant à reve­nir sur la réforme de 2019 en restrei­gnant l’accès à l’avortement. Toutefois, Grainne Teggart se veut opti­miste. « On sait que la majo­ri­té des nord-​irlandais sont pro-​choix et sou­hai­taient cette réforme. Il faut désor­mais faire dis­pa­raître la stig­ma­ti­sa­tion et nor­ma­li­ser ce droit humain fondamental ».

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