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© Georges Biard/ Wikimedia Commons

Cannes 2024 : place aux femmes !

Si la parité est loin d’être de mise, une fois encore cette année, au Festival de Cannes, des voix de femmes, puissantes, devraient toutefois se faire entendre du 14 au 25 mai prochain. Petite revue de détail prometteuse, juste avant les grandes manœuvres…

Il y a ceux qui s’interrogent, fébriles : la vague #MeToo va-t-elle submerger la Croisette, tétanisée de rumeurs en ce mois de mai incertain ? Et puis il y a celles qui constatent, froidement : seules quatre réalisatrices concourent pour la Palme d’or cette année… sur les vingt-deux cinéastes sélectionné·es en compétition officielle. Moins que l’an dernier (il y en avait sept sur vingt et un) ! Allez… dormez tranquilles, braves gens (enfin, pour l’instant) : le Festival de Cannes reste bel et bien une affaire d’hommes, voire de domination masculine (pour mémoire, seules trois femmes ont reçu une Palme d’or en soixante-seize éditions, la dernière ayant été attribuée à Justine Triet en 2023 pour Anatomie d’une chute).

Faut-il se désespérer pour autant ? Sûrement pas. Lentement mais sûrement, cette hégémonie décomplexée est en train de se fendiller. Merci #MeToo et la déflagration Weinstein en 2017, merci la montée en puissance des jeunes réalisatrices (et productrices) qui s’accrochent et se battent comme jamais. Car si, de toute évidence, la parité est loin d’être de mise à Cannes, des femmes puissantes sont néanmoins dans la place. Petite revue de détail prometteuse, histoire de poser la seule question qui compte : et si cette 77e édition marquait un véritable tournant ?

Celles qui président

Depuis 2022, et pour la première fois de son histoire, le Festival de Cannes est présidé par une femme, Iris Knobloch, ex-présidente de Warner France. Est-ce la raison pour laquelle on retrouve également une femme, Greta Gerwig, autrice et réalisatrice de Barbie, pétulant blockbuster féministe, à la tête du jury de cette édition 2024 ? La première, redoutable femme d’affaires, a clairement été nommée pour faire le lien entre Hollywood et Cannes. Elle dit aussi vouloir “faire émerger encore plus de talents féminins”. Par exemple au conseil d’administration dudit Festival (composé, aux deux tiers, par des hommes à l’heure actuelle) ? Affaire à suivre…

Celle qui domine le “game”

Des actrices, des stars, des flashs, il y en aura beaucoup, du 14 au 25 mai. Mais celle qui, d’emblée, va attirer les regards, c’est Meryl Streep, invitée d’honneur de la cérémonie d’ouverture, dûment honorée à cette occasion d’une Palme d’or… d’honneur (après Jeanne Moreau, Jane Fonda, Agnès Varda ou Jodie Foster). Figure célébrée du cinéma américain, cette accorte septuagénaire, couverte d’oscars, n’a eu de cesse d’incarner des femmes fortes, complexes, ambivalentes, dans des registres extrêmement variés, depuis la fin des années 1970 (Voyage au bout de l’enfer, en 1978) et jusqu’à aujourd’hui (La Dame de fer en 2011, ou Pentagon Papers en 2018). Une artiste exigeante, qui a souvent dénoncé la précarité des femmes dans l’industrie du cinéma (un peu moins les abus du mégaproducteur Harvey Weinstein, ou alors un peu tard…). On attend son discours, forcément porteur, avec impatience.  

Celle qui parle pour toutes

Judith Godrèche, actrice, scénariste, réalisatrice et productrice (en plus d’être la porte-parole courageuse de #MeToo en France), présentera un court-métrage choral, inédit, lors de la cérémonie d’ouverture de la section Un certain regard, le 15 mai. Une façon de faire entendre, à Cannes, les voix silenciées des femmes victimes de violences sexuelles puisque Moi aussi (c’est son titre) met en lumière mille femmes (et quelques hommes) qui se sont confiées à Judith Godrèche, sur son compte Instagram, après son discours salutaire, en février dernier, lors de la cérémonie des César. Rassemblé·es en une foule solidaire et mutique sur une grande avenue parisienne, image frappante, on les voit et les entend enfin… à travers leurs regards, leurs gestes, leur silence on ne peut plus parlant. Ils et elles ne sont plus seul·es, en tout cas.
À noter que ce court-métrage de dix-sept minutes sera diffusé sur Culturebox (France.tv) samedi 25 mai, jour de clôture du Festival, à 20h40.

Celles qu’on attend

Trois actrices passées de l’autre côté de la caméra sont très attendues cette année à Cannes. Certes, leurs films seront projetés en sections parallèles (à Un certain regard, tête chercheuse de la sélection officielle, ou lors d’un “rendez-vous spécial”, dénomination un brin maladroite), donc pas totalement au cœur du réacteur, mais quand même…

Céline Sallette, actrice française reconnue par les plus grands, vient ainsi présenter son premier long-métrage, Niki, un biopic intense consacré à Niki de Saint Phalle, artiste iconique qui s’est lancée dans le dessin, la peinture et la sculpture “pour calmer le chaos qui agitait son âme” (elle a été violée par son père à l’âge de 11 ans, un lourd secret qu’elle révéla à 64 ans). C’est Charlotte Le Bon, elle-même réalisatrice et plasticienne, qui l’incarne…

Présente à Cannes pour deux films en tant qu’actrice (Le Roman de Jim, des frères Larrieu, et Sauvages, de Claude Barras), l’imprévisible Laetitia Dosch viendra également défendre son premier long-métrage, Le Procès du chien, un film qui s’appuie sur un fait divers au départ, mais est à peu près aussi décalé et touchant que sa réalisatrice.

Quant à Valeria Golino, actrice italienne célébrée et réalisatrice aguerrie (Miele en 2013, Euforia en 2018), elle vient tout bonnement présenter son adaptation de L’Art de la joie, grand roman féministe, culte, de Goliarda Sapienza (avec les excellentes Jasmine Trinca et Valeria Bruni Tedeschi, on en frémit d’avance !).

Celles qu’on n’attend pas, mais un peu quand même…

Leurs noms ne vous diront peut-être pas grand-chose, et pourtant un buzz déjà impressionnant tourne autour d’Agathe Riedinger et de Coralie Fargeat. En tout cas dans le petit microcosme franco-français. Est-ce parce que ces deux jeunes cinéastes font partie du club (bien trop) restreint des réalisatrices sélectionnées en compétition officielle (moins elles sont nombreuses et plus on en parle, forcément) ? La première intègre l’Olympe d’un coup d’un seul puisque Diamant brut est son premier long-métrage. On vous dira très vite si ce film, interprété par une jeune actrice inconnue, Malou Khebizi, et par deux comédien·nes confirmé·es (Andréa Bescond et Alexis Manenti), porte bien son titre… ou pas. Quant à la deuxième, elle s’était déjà fait remarquer avec Revenge, un premier film horrifique. The Substance, son deuxième opus, emmené par Demi Moore et Margaret Qualley (mazette, quel casting !), risque également de dépoter. Dans le sillon palmé de Julia Ducournau ? À vérifier…

Celles qui feront parler

La Britannique Andrea Arnold, en compétition pour Bird ; l’Indienne Payal Kapadia, également en compète pour All We Imagine as Light ; la Française Sophie Fillières en ouverture de la Quinzaine des cinéastes pour son film posthume Ma Vie, ma gueule (portée par la magnifique Agnès Jaoui) ; la Franco-Algérienne Emma Benestan en clôture de la Semaine de la critique (seule section cannoise ayant une femme, Ava Cahen, comme déléguée générale) pour Animale, avec l’incandescente Oulaya Amamra : telles sont celles, à la marge, à côté ou au centre, qui devraient alimenter les conversations des festivaliers cinéphiles. Peut-être pas autant que les Francis Ford Coppola, David Cronenberg, Jacques Audiard, Yorgos Lanthimos, Arnaud Desplechin, George Miller, Leos Carax, Kevin Costner, Oliver Stone et autres poids lourds masculins de cette édition 2024 (ils sont systématiquement invités de toute façon), mais gageons que dans cette arène bouillonnante de testostérone, elles sauront faire entendre leurs voix.

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