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© Karollyne Videira Hubert / Unsplash

Sasha Yaropolskaya, coor­ga­ni­sa­trice des ras­sem­ble­ments pour les droits des per­sonnes trans : "On sou­haite que la jeu­nesse prenne l'offensive anti-​trans à bras-le-corps"

Alors qu'une proposition de loi Les Républicains veut s'attaquer à l'accès des mineur·es aux bloqueurs de puberté et aux hormones et que vient d'être publié le livre transphobe Transmania, un collectif de militant·es pour les droits des personnes trans appelle aux rassemblements de soutien, partout en France, ce dimanche 5 mai.

"Attaques contre les droits trans et reproductifs : n’attendons plus, faisons front !" déclare la tribune, signée par 800 personnalités et organisations, appelant à une journée de mobilisation partout en France le 5 mai. Cette riposte unitaire s'est organisée en réaction aux récentes attaques contre les personnes trans, à l'instar du projet de loi des sénateur·rices Les Républicains, déposé ce mois-ci, qui veut interdire les transitions de genre pour les mineur·es.

Une offensive législative qui s'inscrit dans un climat idéologique nauséabond alors que certains médias déroulent le tapis rouge à Marguerite Stern et Dora Moutot, pour la sortie de leur ouvrage Transmania, bardé de propos transphobes. Rencontre avec Sasha Yaropolskaya, militante de l'organisation féministe révolutionnaire Du Pain et des Roses, à l'initiative de la journée du 5 mai.

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Portrait de Sasha Yaropolskaya. © @sasha.anxiety

Causette : Pourquoi appeler aux rassemblements ce dimanche pour défendre les droits des personnes trans ?

Sasha Yaropolskaya : L'appel a été initié par le collectif féministe révolutionnaire Du Pain et des Roses, le collectif Les Inverti.e.s, par moi et par les deux militant·es trans Lexie Agresti et Morgan Noam. Nous avons pour objectif d'impulser une mobilisation nationale pour les droits trans contre les offensives politiques, législatives et médiatiques qui se profilent en France. Ces attaques venues de la droite et de l'extrême droite nous inquiètent beaucoup : on observe déjà, aux États-Unis, en Russie ou au Royaume-Uni, un réel recul des droits des personnes trans, obtenus dans le passé. Par exemple, aujourd'hui dans la plus de la moitié des États des États-Unis, les droits des personnes trans sont restreints. Nous commençons à observer des phénomènes de migration intérieure, d'un État à l'autre.
Nous nous rassemblerons dimanche et d'autres organisations envisagent de proposer une prochaine date le 17 mai, ainsi qu'un nouvel évènement fin mai, en alignement au calendrier parlementaire. Cette campagne sera ensuite animée tout l'été et atteindra son point culminant pendant les Prides, qui se succéderont dans toute la France et au sein desquelles nous voulons tenir des cortèges en défense des droits trans et reproductifs. Cette initiative a pour vocation de repolitiser les Prides qui se sont institutionnalisées pour beaucoup.

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Cette mobilisation est donc aussi une réponse à la proposition de loi des Républicains (LR) visant à interdire toute transition de genre pour les mineur·es et promouvoir les thérapies de conversion ?

S.Y. : Oui. L'année dernière, Les Républicains ont convoqué un groupe d'enquête mené par leur groupe et la sénatrice Jacqueline Eustache-Brinio, qui a entendu des pseudo-experts, des militants transphobes ou encore des psychologues. Certaines associations trans ont également été convoquées mais leurs revendications et leurs recommandations n'ont pas été prises en compte.

En conséquence, le contenu de la proposition de loi qui est issue de ces travaux est assez radical : il propose d'interdire les bloqueurs de puberté et les hormones pour les personnes trans mineures. Cette proposition de loi envisage aussi de punir de deux ans de prison ou de 30 000 euros d'amende les médecins qui accompagnent les mineur·es trans. Ce sont des peines énormes. LR envisage aussi le renforcement de la mise sous contrôle pédopsychiatrique des enfants. Le contenu de cette loi s'aligne donc sur les propositions législatives les plus répressives qui existent dans le monde, telles que celles qui sont promues et adoptées par le parti républicain aux États-Unis. Cette loi deviendrait l'une des plus restrictives et réactionnaires en Europe, à propos des personnes trans. Dans les circonstances actuelles, il y a peu de chance que cette proposition de loi passe, mais nous la prenons quand même au sérieux : c'est une offensive idéologique contre les personnes trans qui permet aux LR d'intervenir dans les médias et vire à l'acharnement.

Vous avez mentionné la nécessité de construire une large mobilisation qui s'étendra sur la durée. Quelles sont ses perspectives ?

S.Y. : On veut également s'adresser à la jeunesse qui est en train de lutter pour la Palestine en occupant des campus pour mettre fin au génocide à Gaza. On souhaite que cette jeunesse prenne aussi l'offensive anti-trans à bras-le-corps. Une partie d'entre elle est déjà politisée sur cette question, c'est évident, mais le 6 mai, à l'Université d'Assas, il y aura une conférence de Marguerite Stern et Dora Moutot. Il faut donc s'organiser dans toutes les facs pour en faire de véritables lieux de discussions sur les questions trans et féministes.


Au-delà de la jeunesse, le mouvement ouvrier a un rôle particulier à jouer. Aux États-Unis, une nouvelle génération ouvrière est en train d'émerger. Elle est très politisée et elle lutte contre les oppressions et pas uniquement pour une amélioration des conditions économiques. Nous avons des exemples incroyables : un syndicat de l'entreprise Starbucks s'est déjà mis en grève pour protester contre le mauvais traitement de personnes trans au travail. Le syndicat d'Amazon s'est engagé en soutien à la mobilisation Black Lives Matter et ses dirigeant·es interviennent dans les occupations des facs, qui se déroulent actuellement, notamment dans l'université de Columbia. Au Royaume-Uni, en 1984, la grève des mineurs a été soutenue par les militants LGBTQIA+. Il faut prendre exemple sur les organisations ouvrières étasuniennes et sur les batailles passées pour tisser des alliances politiques entre les travailleurs et le mouvement LGBTQIA+ en France. Ce dernier a beaucoup de créativité, d'inventivité et de combativité dans la mobilisation. Quant au mouvement ouvrier, il a la capacité de bloquer l'économie et d'engager un véritable rapport de force contre les réactionnaires, le gouvernement, l'État et a donc un rôle essentiel à jouer dans cette séquence d'offensives contre les trans.

Lire aussi l Études controversées, raccourcis… On a fact-checké “Transmania”, le livre de Dora Moutot et Marguerite Stern

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