Les sénateur·rices LR ont remis un rapport sur les mineur·es transgenres à la chambre haute du Parlement, ce jeudi 21 mars, avant le dépôt d’une proposition de loi. Pour Béatrice Denaes, cofondatrice de l’association Trans Santé France, ses préconisations “enfoncent des portes ouvertes”.
Face à “une hausse croissante des demandes de changement de sexe chez les enfants et les adolescents, en France comme à l’étranger”, le groupe Les Républicains (LR) du Sénat s’organise. Il a remis à la chambre haute du Parlement, ce jeudi 21 mars, un rapport de plus de 340 pages sur la ”transidentification des mineurs”, fruit de l’audition de soixante-sept expert·es (médecins, associations, parents…) et réalisé sous l’égide de Jacqueline Eustache-Brinio, sénatrice du Val‑d’Oise.
Quinze préconisations ont émergé et doivent faire l’objet d’une proposition de loi de ces sénateur·trices, a révélé Le Point, avec comme idée directrice l’interdiction de toute transition aux mineur·es. Plus précisément, ils et elles souhaitent interdire “la prescription de bloqueurs de puberté”, “la chirurgie de réassignation sexuelle” et “la prescription et l’administration d’hormones croisées” aux moins de 18 ans. Sauf que les élu·es “enfoncent des portes ouvertes” avec ce rapport, pour la journaliste Béatrice Denaes, qui a cofondé l'association Trans Santé France.
“Aucune intervention chirurgicale ne se pratique sur les mineurs, souligne cette dernière auprès de Causette. La seule qui est autorisée à partir de 16 ans, c’est la torsoplastie, soit l’ablation des seins, pour les jeunes garçons trans, nés filles. Mais elle ne peut se faire qu’avec l’accord des parents et des médecins, lorsqu’ils considèrent que le jeune trans est dans une situation de grand désespoir, de dépression sévère et qu’il a pu éventuellement essayer de s’ôter la vie.” Idem pour la prise d’un traitement hormonal, possible à partir de 16 ans, mais “dans des conditions exceptionnelles”.
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“Ce n’est pas un effet de mode”
Quant aux bloqueurs de puberté, “ils ne sont pas distribués à tour de bras, mais proposés au bout de plusieurs rendez-vous avec un pédopsychiatre ou un pédoendocrinologue”, affirme Béatrice Denaes. “Il s’agit d’un acte qui est totalement réfléchi, là aussi quand la vie devient véritablement désespérée pour certains jeunes ayant une peur phénoménale de la poussée des seins, de la poussée des poils ou du changement de voix, ajoute-t-elle. Contrairement à ce qui est dit, ce ne sont pas des traitements à vie ni irréversibles. Ils ne sont pas non plus expérimentaux mais utilisés depuis des décennies pour les enfants développant une puberté précoce. Tout est toujours sous le contrôle des médecins.”
La coprésidente de Trans Santé France fait partie des membres des associations qui ont été auditionnées par le groupe de sénateur·trices LR à l’origine du rapport, qu’elle juge, après-coup, “à charge”. “Quand je lis leurs préconisations, je me rends compte que l’on a été écoutés mais pas entendus, regrette-t-elle. Tout ce que l’on a pu dire est absent des conclusions. J’ai l’habitude des auditions et d’expliquer la situation des personnes trans. Mais là, je ne me suis jamais sentie aussi mal à l’aise.”
En France, aucun recensement officiel n’existe concernant le nombre d’ados trans. Selon des chiffres de la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam), en 2020, sur les 8 952 personnes titulaires d’une affection de longue durée (ALD) pour “transidentité”, seulement 294 sont âgées de 17 ans et moins. “On a l’impression qu’il y a de plus en plus de personnes trans en France. Mais c’est simplement parce que ce n’est plus interdit. Avant, on ne le disait pas, on vivait cachés. Maintenant on sort du bois. Ce n’est ni une épidémie, comme j’ai pu l’entendre, ni un effet de mode”, souligne Béatrice Denaes. Au lieu d’interdictions, cette dernière attend plutôt des “recommandations bienveillantes”. Elles pourraient provenir d’un rapport de la Haute Autorité de santé, qui doit publier, dans le courant de l’année, des préconisations pour la prise en charge médicale des transgenres.