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ChatGPT va-​t-​il rendre les élèves teubés ?

Le robot conver­sa­tion­nel mis en ligne par la start-​up cali­for­nienne OpenAI bous­cule la façon de tra­vailler des enseignant·es et des étudiant·es. Peut-​on l’utiliser comme un véri­table outil péda­go­gique ou faut-​il l’interdire ?

Depuis son ouver­ture au grand public en novembre 2022, ChatGPT fas­cine autant qu’il inquiète, et ce, dans tous les domaines. Du côté de la péda­go­gie, ce robot conver­sa­tion­nel mis en ligne par la start-​up cali­for­nienne OpenAI bous­cule la façon de tra­vailler des enseignant·es et des étudiant·es. Du col­lège à l’université, les éta­blis­se­ments sont tiraillés sur la place et l’impact de l’intelligence arti­fi­cielle (IA) dans l’apprentissage. Peut-​on l’utiliser comme un véri­table outil péda­go­gique ou faut-​il l’interdire ? Alors que plu­sieurs cas de triche ont déjà été consta­tés, Sciences Po a don­né le ton fin jan­vier en annon­çant un enca­dre­ment strict pour évi­ter toute ten­ta­tion de pla­giat. Chance pour les un·es, menace pour les autres, ChatGPT fait cou­ler beau­coup d’encre.

OUI

”Quand on ne sait plus com­ment fonc­tionne la gram­maire, la logique ou la créa­ti­vi­té, on est dépossédés”

Gerald Holubowicz

Journaliste spé­cia­li­sé dans les IA géné­ra­tives, fon­da­teur de journalism.design et pro­fes­seur à Sciences Po

"ChatGPT est un outil puis­sant qui aug­mente nos capa­ci­tés, mais qui risque sur­tout de les dimi­nuer. Cette intel­li­gence arti­fi­cielle peut faire plein de choses à la place d’un étu­diant : un résu­mé, une fiche de lec­ture, un plan de dis­ser­ta­tion, un script vidéo, un texte avec un ton par­ti­cu­lier ou « à la façon de », un CV, une lettre de moti­va­tion…
Autrement dit, on peut délé­guer à une machine des com­pé­tences intel­lec­tuelles qui étaient jusque-​là essen­tielles. Quand on arrête de réflé­chir avec sa tête, ça change la manière de se repré­sen­ter le monde autour de soi. Notons que cela se pra­tique déjà : quand on uti­lise Google Traduction, ou bien un cor­rec­teur ortho­gra­phique, on éco­no­mise un effort cog­ni­tif pour concep­tua­li­ser un résul­tat. On gagne en rapi­di­té, mais on perd en agi­li­té intel­lec­tuelle. Ces outils res­taient encore anec­do­tiques. Avec ChatGPT se pose la ques­tion d’un usage géné­ra­li­sé et mas­sif. Sa prise en main est tel­le­ment intui­tive – et l’écho média­tique tel­le­ment impor­tant – que ChatGPT a atteint 100 mil­lions d’utilisateurs men­suels actifs dans le monde en deux mois. Instagram avait atteint ce seuil en 30 mois et Google Traduction en 78 mois.
ChatGPT peut être béné­fique dans l’enseignement seule­ment si l’outil est uti­li­sé rai­son­na­ble­ment. Certains étu­diants ou élèves s’en ser­vi­ront à la marge pour opti­mi­ser des textes qu’ils auront pen­sés, car ils évo­luent dans un milieu pro­té­gé intel­lec­tuel­le­ment. Mais les autres, pour la plu­part, vont plon­ger dedans et perdre peu à peu leur méca­nique de rai­son­ne­ment. À force de délé­guer son cer­veau à une machine, on ne mobi­lise plus ses connais­sances. Sans garde-​fous, on risque de détruire à plus ou moins long terme les petits savoirs qui sont les fon­da­tions pour les grandes réflexions.
Quand on ne sait plus com­ment fonc­tionne la gram­maire, la logique ou la créa­ti­vi­té, on est dépos­sé­dé. Pour un adulte, passe encore. Mais pour un jeune en phase d’apprentissage, dont c’est le bou­lot d’apprendre et de réflé­chir même si c’est pénible, ça pousse à la paresse. Utiliser ChatGPT au quo­ti­dien, c’est comme mar­cher tout le temps avec des béquilles. À la fin, on perd l’usage de ses jambes.

NON

” [Les élèves] com­pren­dront que ce n’est pas un outil magique auquel on peut faire confiance les yeux fer­més, mais qu’il faut véri­fier, compléter”

Marie-​Astrid Clair

Enseignante dans un col­lège REP+, for­ma­trice de professeur·es à l’INSPE Paris et créa­trice de la chaîne YouTube Le fran­çais c’est clair

"J’ai pas­sé plu­sieurs soi­rées à tes­ter les capa­ci­tés de ChatGPT et je suis assez impres­sion­née. J’ai repris plu­sieurs exer­cices que j’avais don­nés à mes élèves, dont un qui consis­tait à écrire une carte de vœux. Le résul­tat était bon. J’ai deman­dé une lettre de moti­va­tion : le résul­tat était bon aus­si. Le plus bluf­fant, ce sont les conseils qu’il peut don­ner lorsqu’on lui demande d’aller plus loin, même s’il cite dif­fi­ci­le­ment ses sources. Il y a un point cepen­dant sur lequel j’ai réus­si à le coin­cer : les accords du par­ti­cipe pas­sé ! ChatGPT va aider de nom­breux jeunes et c’est tant mieux.
J’ai beau­coup d’élèves dont le fran­çais n’est pas la langue mater­nelle, ou bien des élèves dont les parents ne maî­trisent pas le fran­çais à l’écrit. Cela pour­ra les aider au quo­ti­dien, leur four­nir un modèle syn­taxique, un coup de pouce qui va leur mettre le pied à l’étrier pour démar­rer une rédac­tion. Bien enten­du, il ne faut pas s’arrêter à ce que livre la machine. C’est comme Wikipédia : il ne faut pas reco­pier, mais on s’appuie des­sus.
À l’époque, on nous disait de nous méfier de Wikipédia, alors qu’aujourd’hui, c’est un pre­mier réflexe pour effec­tuer des recherches et cela ne nous gêne pas plus que ça. Les élèves vont apprendre à faire de la para­phrase, à cher­cher des syno­nymes, à per­son­na­li­ser les textes pro­duits par ChatGPT. Ils com­pren­dront que ce n’est pas un outil magique auquel on peut faire confiance les yeux fer­més, mais qu’il faut véri­fier, com­plé­ter. D’ailleurs, la machine recon­naît volon­tiers ses limites.
Je com­prends aus­si que mes col­lègues s’inquiètent. Cela peut faire peur de savoir que les élèves vont s’en empa­rer alors que nous, nous avons appris à tra­vailler sans. Or ChatGPT ne peut pas rem­pla­cer une plume ou avoir du style, de l’humour, don­ner un point de vue. Il ne sait pas répondre à des ques­tions fines qui demandent de l’argumentation, une obser­va­tion ou un juge­ment per­son­nel, comme par exemple « Que pensez-​vous de l’attitude de tel per­son­nage dans le livre de Voltaire ? » Cela va nous obli­ger à don­ner des exer­cices plus ori­gi­naux, plus com­plexes, avec des exi­gences croi­sées, qui favo­ri­se­ront la place de l’écriture d’invention menée en classe et conti­nue­ront de mobi­li­ser la capa­ci­té de réflexion des élèves."

Lire aus­si l La géné­ra­tion de fausses images par l'intelligence arti­fi­cielle sera-​t-​elle notre tour de Babel ?

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