Série « Nouveaux départs » – « Je suis deve­nu celui qu'enfant j'avais tou­jours vou­lu être » : le comé­dien trans Amir Baylly nous raconte sa transition

Série d’été « Nouveaux Départs », 4/​9

Cet été, Causette s'intéresse aux tour­nants que peut prendre la vie. Amir Baylly, un jeune acteur trans de 24 ans, qui crève l'écran dans la série Salade Grecque de Cédric Klapisch, revient pour nous sur sa tran­si­tion. S'il la voyait au début comme une nou­velle étape de sa vie, elle s'est fina­le­ment avé­rée être une manière de retrou­ver celui qu'il avait tou­jours été et vou­lu être. 

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Le comé­dien Amir Baylly (©Time Art)

"La pre­mière fois que j'ai fait mon coming-​out trans, je crois que c’était en 2019, lorsque j'ai com­men­cé à prendre de la tes­to­sté­rone. Le jour de la pre­mière injec­tion, j’ai dîné le soir chez des potes et je leur ai dit que je vou­lais qu'on m'appelle Amir et qu'on me genre au mas­cu­lin. Avant de prendre de la tes­to, j’avais du mal à en parler. 

Quand j’étais tout petit, j’étais ce qu'on peut appe­ler un « gar­çon man­qué ». Jusqu’à mes dix-​onze ans, j'étais andro­gyne, mais on ne me le fai­sait pas trop remar­quer. Je ne me posais pas trop la ques­tion de savoir qui j’étais non plus. Mais en arri­vant au col­lège, j’ai sen­ti qu’il y avait un nou­vel enjeu et qu'on ne me lais­se­rait plus tran­quille. Je me suis dit que j'allais essayer : je me suis pas mal fémi­ni­sé au col­lège et au début du lycée. Je m'étais même lais­sé pous­ser les che­veux… Ça me fai­sait chier ! Je n'étais pas à l'aise mais je n'arrivais pas for­cé­ment à mettre des mots des­sus. Aux alen­tours de la classe de pre­mière, je me suis cou­pé les che­veux. Puis, j'ai eu un déclic vers 15–16 ans. Jusqu'alors j'étais un peu dans la fata­li­té, je me pen­sais sim­ple­ment mas­cu­lin et les­bien. Mais sur Youtube, je suis tom­bé sur des vidéos d'Américains par­lant de leur tran­si­den­ti­té. J'ai su, alors, que j'étais trans. Mais je n'ai pas pu faire ma tran­si­tion immédiatement.

À 16 ans, j'ai été repé­ré dans ma ville d'origine, à Martigues, pour faire du man­ne­qui­nat. Un agent connu me pro­po­sait de venir tra­vailler à Paris. Comme cela ne se pas­sait pas bien avec ma mère, auprès de qui j'avais fait mon coming-​out les­bien, j'ai déci­dé de tout quit­ter pour me lan­cer dans cette pro­fes­sion. Je savais que je devais être indé­pen­dant si je vou­lais tran­si­tion­ner. Ça a tout de suite bien mar­ché. Et, à 17 ans, j'étais indé­pen­dant finan­ciè­re­ment. J'ai alors conti­nué à tra­vailler dans ce milieu, tout en évo­luant dans des espaces assez queer dans la capi­tale. Quand j'ai eu assez d'argent, je me suis lan­cé dans ma tran­si­tion. J'ai res­sen­ti un gros stress par rap­port à ma mère, mais j'ai fait les choses dif­fé­rem­ment avec ce deuxième coming-​out : je lui ai envoyé un mail où je lui expli­quais ma situa­tion, en lui disant que je pour­rais répondre à ses ques­tions, mais que si elle ne vou­lait pas être pré­sente, elle per­drait son enfant. Elle a fina­le­ment accep­té ma tran­si­den­ti­té et a fait des efforts pour me comprendre.

Les six-​sept pre­miers mois de ma période de tran­si­tion ont été durs. Je me suis retrou­vé dans un entre-​deux, avec une appa­rence entre fille et mec. C'était assez com­pli­qué à vivre car les gens ne savaient pas quoi me dire. Cela crée de la confu­sion, de la vio­lence… J'avais hâte que ma voix change et d'avoir un vrai pas­sing (la capa­ci­té pour une per­sonne trans à être consi­dé­rée, en un seul coup d'œil, comme une per­sonne cis­genre, ndlr). Je vou­lais tout sim­ple­ment qu'on me laisse en paix et qu'on arrête de pro­je­ter des fan­tasmes sur moi. Aujourd'hui, j'ai offi­ciel­le­ment chan­gé mon pré­nom et je suis gen­ré de la bonne façon sur ma carte d'identité. Le pas­se­port devrait bien­tôt arri­ver éga­le­ment. Mais les démarches admi­nis­tra­tives pour chan­ger de genre auprès de l'état civil, c'est l'enfer ! Il faut envoyer un dos­sier au tri­bu­nal, avec des témoi­gnages d'amis et de pro­fes­sion­nels de la san­té. Il faut démon­trer que tu réa­lises une tran­si­tion et mettre le plus de jus­ti­fi­ca­tifs pos­sibles pour mon­trer que tu vis bien en tant qu'homme. Parfois, on peut tom­ber sur des gens qui nous dis­cri­minent, ce qui ne nous faci­lite pas la tâche. C'est, heu­reu­se­ment, de plus en plus fai­sable, mais cela prend du temps. Récemment, j'ai aus­si pu chan­ger le numé­ro de ma carte vitale grâce à un ser­vice mis en place spé­cia­le­ment par la sécu­ri­té sociale. Avant ça, j'avais pas­sé des années à galérer.

Pendant un moment, je voyais ma tran­si­tion comme un nou­veau départ, je croyais que j'allais chan­ger de vie. Mais plus j'avançais, plus je me ren­dais compte que j'étais en quelque sorte dans la conti­nui­té de qui j'avais été. Je suis content d'avoir eu un par­cours de femme avant, cela m'a appris beau­coup de chose. La tran­si­tion n'a pas repré­sen­té la rup­ture que je pen­sais. Je suis sim­ple­ment deve­nu celui que j'avais tou­jours vou­lu être petit."

Épisode 1 – Refaire sa vie en famille à plus de 5500 km

Épisode 2 – « J’ai envie de trans­mettre à ma fille que le bon­heur est un choix et qu’on a le droit de tout quit­ter pour être libre et heureuse »

Épisode 3 – Marie Gervais, ancienne vic­time de vio­lences conju­gales : « On peut construire une autre his­toire sur les cendres de la première »

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