Chômage, corruption, inégalités, pauvreté… Le 17 octobre, l’annonce d’une taxe sur les appels WhatsApp et Messenger a fait exploser la colère des Libanais·es, surtout celle de la jeune génération. Depuis, ils et elles dénoncent, dans la rue, un quotidien sans avenir, volé par la classe politique au pouvoir depuis plus de trente ans.
« Le Liban ne te donnera jamais ce que tu veux. Si tu as un rêve, de l’ambition, tu ne pourras pas les réaliser ici. » À 27 ans, Rita jette un regard sans espoir sur son pays, comme la majorité des jeunes de sa génération. Originaire du sud du Liban, la jeune femme travaille comme consultante à Beyrouth et vit en colocation avec cinq autres personnes. Avec des salaires qui tournent autour de 600 dollars (540 euros) mensuels, les fins de mois sont difficiles. « J’ai fait des études, je travaille dur, mais je suis face à tellement d’obstacles. Je n’ai pas d’épargne à cause des taxes et du coût de la vie. Et je ne pourrai jamais grimper les échelons grâce à mes capacités ou à mes diplômes à cause de la wasta. » Cette expression difficilement traduisible désigne un système de piston organisé : pour obtenir un poste ou évoluer, il faut être introduit par une connaissance ou avoir les moyens de payer les fonctionnaires récalcitrants pour y arriver. « Je viens d’une famille de six enfants, j’étais dans une école privée et j’ai du mal à gagner ma vie, poursuit la jeune femme. Vous imaginez ce que mon père a dû payer ? Pourquoi ? Car les écoles publiques sont vraiment lamentables et que le gouvernement n’y met pas les moyens. Je veux simplement ce que toute personne qui travaille mérite : aller dîner, boire un verre, sortir avec mes amis. »
Je fais partie de cette génération qui se bat pour essayer de continuer à vivre ici. Mais pour certains, ce n’est plus possible.
Rita, consultante à Beyrouth
Fatiguée de devoir vivre résignée, elle fait partie des dizaines de milliers de jeunes Libanais·es à être descendu·es dans la rue dès le premier jour de la révolution, le 17 octobre. Depuis, elle a repris le travail, mais retourne chaque soir manifester. « J’aimerais construire quelque chose pour mon pays, confie-t-elle. Je fais partie de cette génération qui se bat pour continuer à vivre ici. Mais pour certains, ce n’est plus possible. Par exemple, si cette révolution n’aboutit pas ou se termine mal, ma sœur émigrera aux États-Unis. Je ne veux pas ça. »
Corruption et arrangements…
Ce soir-là, après avoir dîné, drapeau libanais sur les épaules, Rita descend manifester avec des ami·es et l’une de ses colocataires, Nabila. « Je ne sais pas comment je vais payer mon loyer avec la révolution, je n’ai plus du tout d’argent. En même temps, je n’avais pas plus d’argent avant la révolution », plaisante cette[…]