Magazine n° 116 – Novembre 2020

couverture causette 116
couverture causette 116

ÉDITO

Comme chaque lundi, le réveil a sonné à 6 heures. Et ça pique. D’habitude, c’est plutôt à cause du petit
verre de trop du samedi soir. Pour relâcher la pression de la semaine, elle ne lésine
jamais sur le dancefloor avec les copines. Ça défoule. En général, elle essaie de ne
pas trop parler de ses élèves, histoire de penser à autre chose, mais bien souvent
c’est plus fort qu’elle. Alors, avec l’humour qui la caractérise, elle leur raconte la
dernière sortie hilarante de Kyan, les résultats prodigieux et inespérés de Johanna,
les tenues très personnelles d’Ismaël, mais aussi les débats enflammés et parfois
houleux qu’elle a avec eux sur la liberté d’expression pendant le cours d’éducation
morale et civique. Elle voit bien que, depuis quelques années, c’est de moins en
moins évident d’évoquer ces sujets-là. Ça lui colle même un peu la boule au ventre
quand vient le moment… Mais la vocation, elle l’a chevillée au corps. Et elle croit
encore aux vertus de la parole et de l’éducation pour déminer les idées reçues et
lutter contre l’obscurantisme. La plupart du temps, elle y parvient. Et c’est avec le
sentiment du devoir accompli qu’elle quitte son établissement en fin de journée.
Pas mécontente d’elle ! Depuis Charlie, le combat est rude. Mais elle ne lâche rien.
Ça compte beaucoup pour elle.
Ce lundi-là, pourtant, la gueule de bois est carabinée. Et elle n’a rien à voir avec
l’abus d’alcool. Son week-end, elle l’a passé à pleurer, à crier et à marcher, pancarte
à la main, place de la République. Sauf que, recroquevillée dans le fond du train froid
et sombre qui la mène vers son collège, elle a très mal à sa République. Elle pense
à Samuel Paty en boucle depuis trois jours. Elle ne peut s’empêcher de l’imaginer
sortir gaiement du collège en fin d’après-midi avant que l’impensable se produise.
Comme elle le fait chaque jour. Elle se demande comment on a pu en arriver là. Mais,
alors qu’une larme coule sur sa joue, lui revient en mémoire cette lettre écrite par
Albert Camus à son ancien instituteur, quelques jours après avoir reçu le prix Nobel,
et dans laquelle il lui disait :
« On vient de me faire un bien trop grand honneur, que je n’ai ni recherché ni sollicité.
Mais quand j’ai appris la nouvelle, ma première pensée, après ma mère, a été pour vous.
Sans vous, sans cette main affectueuse que vous avez tendue au petit enfant pauvre que
j’étais, sans votre enseignement, et votre exemple, rien de tout cela ne serait arrivé. »
Alors, la gorge nouée et le cœur serré, elle sort du train. Et marche d’un pas décidé
vers le collège Albert-Camus où elle enseigne depuis quinze ans. Et elle reprend un
tout petit peu espoir.

116 quiches jean gucci capture eran gucci.com

Un brin excessif …

L’herbe est toujours plus verte chez Gucci, chez qui on peut se procurer une salopette et un jean version « roulade bucolique dans le gazon » pour les modiques sommes respectives de 980 et 680 euros. La marque iconique italienne file un mauvais coton, mais bio, s’il vous plaît !…
Lire l'article
books on brown wooden shelf

Chloé Delaume : « La qua­trième vague fémi­niste, celle que nous vivons depuis #MeToo, est une révo­lu­tion de mœurs »

« Fatwa civi­li­sa­tion­nelle » ; « Projet géno­ci­daire moral » ; « Une forme de tota­li­ta­risme ». C’est ce qu’ont hur­lé bien des mes­sieurs, y com­pris dans le poste de radio. Ce qui les a ren­dus mabouls, ce n’est pas la venue de l’Apocalypse ni une émas­cu­la­tion de masse, mais une remarque d’Alice Coffin. Militante fémi­niste, autrice du…
Lire l'article
116 christiane taubira stephane de bourgies

La sélec­tion livres de novembre 2020

Taubira l'écrivaine Paru en pleine ren­trée lit­té­raire, le pre­mier roman de Christiane Taubira est de ceux qu’on ne lit pas comme les autres. En quelques pages, on est ras­su­ré : le style lit­té­raire est à l’aune de la verve ora­toire de l’ancienne ministre. Gran Balan s’ouvre dans un tri­bu­nal de Guyane…
Lire l'article
116 BD A VOLONTE © Editions Delcourt 3

La sélec­tion BD de novembre 2020

À volon­té – Tu t'es vue quand tu manges ? L’une s’appelle Mademoiselle Caroline. L’autre s’appelle Mathou. Vous connais­sez sans doute déjà leurs nom­breuses BD, dans les­quelles elles se racontent avec humour et légè­re­té. Voilà que les deux autrices et des­si­na­trices s’associent dans un ouvrage à quatre mains pour évo­quer un…
Lire l'article

Vous êtes arrivé.e à la fin de la page, c’est que Causette vous passionne !

Aidez nous à accompagner les combats qui vous animent, en faisant un don pour que nous continuions une presse libre et indépendante.

Faites un don
Partager
Articles liés
Causette 110 couv web nocode

Magazine n° 110 – Avril 2020

ÉDITO Eh ben, foi de Causette, on en aura vécu des choses ensemble ! Des drames qui nous ont réuni·es, en larmes, quand on était Charlie, de belles envolées rageuses mais libératrices, quand on signait #MeToo, des grandes manifs lilas...

CAUSETTE HS19 COUV web sanscode

Hors-​série n° 19 l Spécial seins

Depuis son voyage en Clitorie, Causette ne vous avait plus proposé de découvrir et d’explorer avec soin les contrées féminines. Voici l’invitation lancée !Nous vous dévoilons donc un parcours sinueux autour de la planète Sein, à travers...

CAUSETTE HS17 COUV HD nocode

Hors-​série n° 17, en mode récup

ÉDITO Il faut 7 500 litres d’eau pour fabriquer un seul jean, soit l’équivalent de l’eau bue par un être humain pendant sept ans.C’est ce que nous révèle un rapport des Nations unies en 2019 et ça n’est pas le seul chiffre qui fait dresser les...

numero 121

Magazine n° 121 – Avril 2021

ÉDITO Vivre avec un chapeau comme dans les séries anglaises parce que pourquoi pas – Se shooter à l’odeur du liquide vaisselle à l’amande douce, parce qu’elle rappelle la galette des rois – Se faire des masques de miel de thym pour niquer son...