Le constat est connu : plus de 200 000 femmes subissent, chaque année, les coups de leur compagnon. Malgré le Grenelle, malgré les campagnes de sensibilisation, malgré la mobilisation des associations, celle des militantes, la France avance à pas trop mesurés. C’est pourquoi, en cette journée du 25 novembre, Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, il faut continuer de se mobiliser.
Elle est installée au fond du supermarché, entre le rayon boulangerie et l’étal de la poissonnerie. Dans le petit local mis à disposition par la direction du magasin Carrefour Market de Sorbiers, commune de 8 000 habitant·es située à dix kilomètres de Saint-Étienne, Léa Lafond attend qu’une victime de violences conjugales vienne la voir. Ce vendredi matin du mois d’octobre, comme tous les autres depuis un mois, la jeune salariée de l’association SOS Violences conjugales 42 tient sa permanence au paradis des Caddies. Le lieu peut surprendre. « Mon but, c’est d’aller chercher les personnes victimes dans leur quotidien, explique la jeune femme. La sortie pour faire les courses constitue parfois la seule occasion d’échapper à la surveillance du conjoint. » L’expérimentation menée dans six Carrefour Market de la Loire va durer jusqu’en janvier 2021. D’autres départements, comme les Pyrénées-Atlantiques, font de même.
« Depuis #MeToo, beaucoup de Français·es ont ouvert les yeux sur le caractère massif des violences faites aux femmes »
Anne-Cécile Mailfert, présidente de la Fondation des femmes
Les premières cellules d’écoute dans les espaces commerciaux ont été testées en avril, lors du confinement. La mise en sommeil du pays avait incité les associations et les institutions à rivaliser d’inventivité pour ne pas perdre le lien avec les femmes coincées à domicile. Pour le moment, trois personnes se sont installées en face de Léa pour raconter ce qu’elles vivaient. L’une d’elles, pourtant décidée à porter plainte, n’a pas donné suite. Des débuts timides, mais encourageants. « On fera le point en janvier, promet la jeune femme. Mais tout ce qui peut aider les femmes et faire parler de leur cause me semble utile. »
Mettre le problème sur la table, l’extraire du silence et de la sphère intime pour provoquer le débat et réveiller les consciences, voilà l’enjeu central. Bonne nouvelle : ces cinq dernières années, les militantes et les associations ont fait des pas de géantes en la matière. L’an dernier, la marche du 23 novembre organisée par Nous Toutes a rassemblé cent mille femmes dans tout le pays, soit « la plus grande marche féministe de France », précise Caroline De Haas, la fondatrice du collectif. « Depuis #MeToo, beaucoup de Français·es ont ouvert les yeux sur le caractère massif des violences faites aux femmes, estime Anne-Cécile Mailfert, la présidente de la Fondation des femmes. C’est devenu un vrai sujet dans l’opinion publique, qui ne se limite plus à la sphère[…]