aline
© Jean Marie Leroy

Valérie Lemercier : « Comme Céline, j'aime le grand spectacle »

Mise à jour du 26/01/22 : Aline, de Valérie Lemercier, est en lice dans dix catégories pour la cérémonie des César 2022. Dont celle de la meilleure actrice, de la meilleure actrice dans un second rôle, du meilleur film et de la meilleure réalisation. La 47e édition des César se tiendra le 25 février à L'Olympia et sera retransmise en direct sur Canal+.

Mise à jour le 3 juin 2021 : Victime de la fermeture des cinémas fin octobre, Aline sortira finalement le 10 novembre 2021... Et sera visible par quelques heureux·euses en avant première au festival de Cannes (6 - 17 juillet), hors compétition.

Que celles qui réclament à cor et à cri un bon vieux Céline Dion dans les soirées lèvent le bras. Allez, ne faites pas semblant. Même si c’est au second degré. Valérie Lemercier, elle, s’est prise de passion pour cette star immensément populaire. Connaissant l’actrice, on s’attendait à une caricature. Au contraire, son Aline est un biopic empathique et émouvant sur une femme ordinaire au parcours extraordinaire.

Causette : Cela fait longtemps que vous vous intéressez à Céline Dion ? 
Valérie Lemercier : J’ai commencé à l’écouter avec ­l’album D’eux, écrit par Goldman, dont on ne se lasse pas. Je l’écoute encore beaucoup. Mais disons que mon empathie pour elle est née le jour où, comme beaucoup de gens, j’ai regardé les obsèques de René à la télé. Ses premiers pas sans lui, j’ai trouvé ça abyssal. J’ai vu une solitude qui m’a touchée. Je me suis identifiée.

Vous avez une tendance à la fascination ou c’est juste parce que c’est elle ? 
V. L. : Non. C’est parce que c’est elle ! Je suis très différente et, pourtant, il y a plein de choses que je comprends de cette vie. À mon tout petit niveau, j’ai quand même passé trente ans sur scène. Je connais l’obligation d’être en forme tous les soirs, de remplir les salles, de ne pas rater une représentation, de ne pas décevoir, de prendre ses repas tous les jours seule devant un miroir, de consacrer sa vie à son travail, aussi. Même si moi, mon maximum c’est les Zénith. On est bien loin du compte ! 

Mais pourquoi elle ? 
V. L. : D’abord, je la trouve abordable. Elle dit qu’on lit en elle comme dans un livre ouvert et c’est vrai ! Contrairement à moi, elle se dévoile énormément et ça me plaît. On a envie d’être son amie ! Je ne sais pas si elle en a d’ailleurs… Enfin si, aujourd’hui, elle en a. Mais enfant, ses seuls amis c’était ses frères et ses sœurs. Faut dire que quand on est quatorze enfants… Et puis elle est très drôle. C’est un clown. Dans la vie, peut-être plus que moi d’ailleurs. 

Comment avez-vous travaillé pour documenter le film ? 
V. L. : J’ai tout lu et tout regardé. Des jours et des nuits entières. Je ne me lasse pas de découvrir des choses sur cette famille. Là où j’ai le plus appris, c’est dans les bios écrites par Georges-Hébert Germain. Il en a fait une sur Céline, une sur René et une sur Thérèse, la mère de Céline. C’est une femme incroyable, Thérèse. Elle aurait voulu travailler, être sage-femme. Elle avait de l’ambition. Mais très vite, on lui a expliqué que ce n’était pas pour elle. Alors, elle a dû s’occuper de ses frères et sœurs. Puis de ses quatorze enfants. Elle a tout consacré à sa famille. Et pour sa petite dernière, Céline, qu’elle n’avait pas prévue du tout, elle a imaginé un grand destin. 

Comment avez-vous acquis la gestuelle si spectaculaire de Céline Dion ? 
V. L. : À part les parties chorégraphiées avec les danseurs, j’ai pas du tout répété ! Je l’ai juste regardée faire, encore et encore. Je me suis lancée le jour du tournage. Mais je ne répète jamais mes spectacles non plus. Tout est dans ma tête, en fait. Et à un moment, je me lance. 

Sauf que le corps, ce n’est pas la tête !
V. L. : Pour moi, si. C’est une question de concentration. C’est comme pour mes personnages sur scène. Mais attention, c’est des heures d’observation des autres. Jusqu’à ce que ça s’inscrive dans mon cerveau. L’erreur, pour moi en tout cas, serait de me regarder dans un miroir ! Parfois, au théâtre, quand je me vois dans le reflet de la vitre de la régie, je leur demande de mettre un tissu devant, car ça me déconcentre totalement. Si je ne me vois pas, je suis une fillette de 10 ans. Si je me vois, je suis une vieille qui fait un truc ridicule. 

ressources 2020 09 25 ALINE 11 A
© Gaumont Distribution

Elle a vu votre film ? 
V. L. : Non ! Mais je la comprends… Si j’étais elle, je ne sais pas si je me précipiterais, honnêtement. J’aurais peur ! Son entourage a lu le scénario, évidemment, il y a très longtemps. Pas elle. Elle n’a même pas voulu voir les photos du film. Je crois que c’est quelqu’un qui n’est pas dans la nostalgie. Elle va de l’avant. Je pense qu’elle redoute le trop-plein d’émotion que ça pourrait générer en elle. C’est ce qu’on m’a dit, en tout cas, dans son entourage. Trop de souvenirs… 

Donc elle n’est pas tant que ça dans le contrôle de son image ? 
V. L. : Je ne crois pas, non ! Quand René était vivant, ils laissaient tout faire. Elle a déjà appelé des comiques anglais pour leur donner des conseils pour mieux l’imiter. Elle a beaucoup d’autodérision. 

Donc la famille a lu le scénario ? 
V. L. : Ils ont vu que c’était bienveillant, donc ça a été. Mais il y a des tonnes d’avocats de la production du film qui ont tout passé en revue. J’ai découvert qu’il y a plein de choses qu’on n’a pas le droit de faire au cinéma. Comme prononcer le mot « Eurovision » par exemple. Ou montrer un vrai oscar. J’ai dû jongler avec des tonnes d’interdits. Mais ça m’a inspirée ! Le disque de Céline Dion, La Voix du Bon Dieu, je l’ai appelé Aline Dieu, La Voix du bon Dion ! Et j’ai acheté un faux trophée au musée Grévin qui ressemble vaguement à un oscar de loin, à 14,99 euros. 

On imaginait que vous alliez faire un film dans lequel vous alliez un peu vous moquer d’elle en la caricaturant et, finalement, ce n’est pas du tout
ce que vous proposez. 

V. L. : Jamais de la vie ! Je l’aime trop. Ce qui ne veut pas dire que le film n’est pas drôle. Je crée de la comédie, notamment en jouant sur ce décalage entre là d’où elle vient et sa vie d’après. Entre son physique d’enfant et son physique de star. C’est pour ça que j’ai voulu commencer l’histoire en 1932, à l’époque de l’enfance des parents. Parce que, quand même, il faut se rappeler qu’au départ ce sont des gens qui n’avaient pas à manger. Tout est improbable dans ce destin.

Auriez-vous aimé être une star de son niveau ?
V. L. : Disons que, peut-être, ma machine à laver marcherait, du coup. Mais non, je n’ai pas rêvé de ça. C’est pas du tout mon truc. Moi, je peux aller au cinéma le samedi après-midi. Céline, elle ne peut pas. Elle a des dizaines de sacs à main qui sont vides, car elle ne sort jamais que pour se déplacer d’un endroit à un autre en voiture ou en avion. 

Est-ce qu’elle vous a hantée pendant le projet ? 
V. L. : Totalement. Je rêvais d’elle et de sa famille. René était toujours content. Il disait : « Le scénario est super et drôle. » Céline venait chez mes parents et je ne trouvais pas de verres assez beaux pour lui servir du champagne. Je me disais : « Ohlala ! on a que des verres à moutarde, ça ne va pas aller. » Je rêvais de Thérèse qui regardait mon scénario au-dessus de mon épaule en me disant : « C’est pas le bon horaire de spectacle ! Elle chante pas à 20 heures, elle chante à 20 h 30. » Mais ça y est, je n’en rêve plus ! 

Y a-t-il des similitudes entre vos parcours respectifs ?
V. L. : Là où je me sens comme elle, c’est que je ne suis pas allée beaucoup à l’école, je n’ai pas mon bac. Je ne sais pas écrire le mot « ascenseur ». Je réfléchis trois fois quand on me donne une affiche à signer, que j’ai envie d’écrire « Merci pour votre accueil » et que je ne le fais pas parce que je ne sais plus comment on écrit « accueil ». Je ne suis pas une intellectuelle. Depuis que j’ai démarré la promotion de ce film, les journalistes « intellectuels » me disent : « Mais, entre nous, quand vous êtes chez vous, vous préférez écouter Miles Davis, non ? » Eh bien non ! Moi, j’aime ce côté populaire. Je suis tout le contraire du milieu bourgeois dans lequel j’ai grandi. Je me fous du bon et du mauvais goûts. Et comme Céline, j’aime ce qui brille, le clinquant, le grand spectacle. Quand j’étais petite, on m’emmenait au théâtre voir des actrices qui arrivaient du fond de la salle avec des vieilles blouses et une valise en s’excusant d’être là. Ça ne m’a jamais plu. Je préfère débarquer par le devant de la scène et dire : « Waouh, j’arrive ! » Là où je lui ressemble aussi, c’est que je n’aime pas les gens qui se plaignent. Et Céline ne se plaint jamais. Même quand elle raconte les choses les pires, ses FIV, la maladie de son mari, elle twiste le truc pour que ce soit marrant pour son public. Elle en fait du show. Contrairement à du froid. 

Vous êtes un peu comme ça ? 
V. L. : J’adore rire de moi et de trucs un peu pathétiques. Il y a autre chose qui nous rapproche, c’est la question du physique. Quand j’étais enfant, on me disait tout le temps que j’étais moche. Dans ma famille ou à l’école… J’entendais des trucs comme : « Faudrait lui mettre un oreiller sur la tête. » Tout le temps ! Des phrases comme ça, elle en a forcément entendu, jeune. 

Mais elle n’a pas l’air d’en faire grand cas… 
V. L. : Elle a été regardée avec tellement de bienveillance et de gentillesse par sa famille. On ne lui a jamais dit des choses comme ça, contrairement à moi. D’ailleurs, sa mère dans le film lui dit : « T’es belle, ma fille. » 

Elle ne s’est pas trop trafiquée d’ailleurs. Ça aurait été la facilité.
V. L. : À part les dents, elle ne l’a pas fait, et elle a eu bien raison ! En revanche, elle fait beaucoup de sport. Elle s’entretient. Mais il n’y a encore pas si longtemps, les maisons de couture ne voulaient pas lui prêter de vêtements. Elle pouvait toutes se les acheter, bien sûr, mais ça en dit long… 

Allez-vous remonter sur scène ? 
V. L. : Ce n’est pas prévu. Mais j’adore être sur scène. Quand, à 20 h 30, je suis chez moi, je ne comprends pas ce que je fais là ! L’hiver en tout cas. Pour moi, de septembre à mai, on ne doit pas être chez soi à 20 heures ! La vie, c’est être au théâtre. Parfois, vous savez, c’est dur de rentrer de tournée. On revient chez soi entre deux dates, on ne sait pas quoi faire, on est là avec sa valise qu’on n’a pas vraiment le temps de défaire. Une fois qu’on a fait sa valise, c’est plus simple de ne plus la défaire. 

Céline Dion a traversé beaucoup d’épreuves, et il faut admettre qu’elle a beaucoup de courage. Et vous ?
V. L. : Disons que je mets un peu mon mouchoir sur les choses quand il y a des problèmes. Je suis dans l’hyper–activité. Sur le coup, je mets un pansement, mais ça me revient en boomerang beaucoup plus tard. En 2000, mon appartement a brûlé, j’ai perdu tout ce que j’avais. Le soir, j’avais un spectacle à faire, je l’ai fait. Quand on n’a pas le choix, on y va. Mais six mois plus tard, j’ai rêvé que je brûlais moi-même…

Vous n’êtes pas trop dans l’introspection ? 
V. L. : Ah non, je suis même dans le déni. Je n’ai pas de médecin. Je n’aime pas me soigner. Je fais un peu l’autruche. Si je commence à mettre un pied là-dedans… à regarder sur Internet, à quoi correspond tel ou tel bouton, je ne vais pas m’en sortir. 

ressources 2020 09 02 ALINE 120 HD A
© Gaumont

Vous avez fait de l’histoire d’amour entre Céline et René une comédie romantique. Et vous, êtes-vous romantique ? 
V. L. : Moi, ma grande découverte, c’est René. Je suis tombée amoureuse de lui, c’est vrai. Dans la vie, oui, je suis très romantique. C’est venu lentement. Car, petite, je pensais que ce n’était pas pour moi, ces choses-là. Dieu n’était pas pour moi non plus… Ma mère a refusé que je fasse ma communion, car elle trouvait que je ne croyais pas assez en Dieu. L’amour, c’était une question qu’il ne fallait pas aborder. Ça n’existait pas ! Je suis restée onze ans avec mon premier fiancé et quand on s’est séparés, je n’osais pas le dire à ma famille. Je disais qu’il était en voyage. J’avais 29 ans ! Ma mère vient d’une famille de huit filles où on n’avait pas le droit de se maquiller. Parce que ça ne se faisait pas ! À 10 ans, j’avais signé un papier à ma mère en promettant que je ne me maquillerais jamais de ma vie ! Résultat, dans ce film, je m’appelle Aline « Dieu », j’ai passé trois heures par jour à me faire maquiller et je m’offre une belle histoire d’amour !

Vous avez le même sens de la démesure que Céline ? 
V. L. : Y a que ça qui me plaît ! J’aime les gens borderline. Dans toutes les situations, j’imagine toujours secrètement ce qu’il ne faut pas faire. Et j’ai toujours envie de le faire. Un jour, j’étais invitée à un dîner pour Catherine Deneuve au ministère de la Culture. Le truc super officiel. Je me suis dit, tiens, je vais me pointer avec une bouteille de champagne comme si j’allais à une soirée chez des potes. Je sais très bien que ça ne se fait pas ! Quand je vais dans des dîners chics, je dis à tout le monde que j’ai pris un petit billet de 1000 euros. Ce qui est évidemment faux. Juste pour voir la tête des gens ! J’aime créer de la gêne et raconter des bobards.

Voir la bande-annonce du film

Partager
Articles liés
Capture d’écran 2023 07 25 à 12.04.00

Un drôle d’oiseau nom­mé Daphné Patakia

Après nous avoir intrigué·es dans Benedetta, puis enchanté·es dans la série Ovni(s), Daphné Patakia nous surprend et nous charme à nouveau dans Sur la branche, une comédie « mélancomique » particulièrement réussie. Rencontre avec une jeune actrice...

Inverted wid­get

Turn on the "Inverted back­ground" option for any wid­get, to get an alter­na­tive sty­ling like this.

Accent wid­get

Turn on the "Accent back­ground" option for any wid­get, to get an alter­na­tive sty­ling like this.