Ce mercredi on vous propose le documentaire, Sunless Shadows, de Mehrdad Oskouei qui a suivi des adolescentes incarcérées pour avoir tué un parent masculin en Iran et une périlleuse mission de sauvetage en zone houillère avec Souterrain, de Sophie Dupuis.
Sunless Shadows, de Mehrdad Oskouei
Préparez-vous à vivre une expérience. Sunless Shadows (« Ombres sans soleil », en français) a toutes les chances de bouleverser votre regard sur l’amour et la mort ! Son sujet s’y prête : ce documentaire a pour cadre un centre de détention pour adolescentes en Iran et suit un groupe de jeunes filles incarcérées pour avoir tué un parent masculin (un père, le plus souvent). Intense, donc. Mais ce qui frappe encore davantage, c’est la manière – franche, désarmante – avec laquelle elles racontent leur acte et livrent leurs pensées intimes.
Le dispositif choisi par Mehrdad Oskouei, cinéaste confirmé, favorise cette spontanéité. Grâce à son filmage attentif, sans jugement, on pénètre de deux façons dans ce monde à part. Soit par des scènes de la vie quotidienne des jeunes filles, qui captent les jeux, les rires, les disputes des ados qu’elles n’ont pas cessé d’être. Soit par des séquences plus contrôlées où, seules face à la caméra, elles s’adressent à leur victime dans l’au-delà ou à leur complice (leur mère, généralement).
Le contraste n’est pas seulement remarquable, il glace pour ce qu’il raconte des violences d’une société patriarcale qui donne tous les droits à l’homme. Toutes, de fait, ont subi (très jeunes) mariage forcé et viols conjugaux, ou ont vécu dans un foyer où leur mère était humiliée et battue par leur père.
Soyons bien clair : à aucun moment le film n’absout ses protagonistes ni leurs crimes. Il questionne juste à sa façon, courageuse sinon malaisante, la domination masculine et ses effets. En fin de compte, il nous fait comprendre que cette prison,
exclusivement féminine, est moins un lieu coercitif qu’un havre de paix et
de protection pour ces jeunes filles. Terrible constat.
Sunless Shadows, de Mehrdad Oskouei. En salles.
Souterrain, de Sophie Dupuis.
Souterrain est un film multicouche dans lequel on s’enfonce irrésistiblement. Profondément. Au premier abord, il semble scruter le travail des mineurs d’une petite ville du Québec et leur quotidien harassant. Mais assez vite, on comprend que Sophie Dupuis, sa réalisatrice, veut sonder autre chose à travers ces puits de forage ténébreux. De fait, ce que nous révèle brillamment, strate par strate, cette fille et petite-fille de mineurs, c’est la sensibilité enfouie de ces hommes, coincés dans une conception passablement étriquée de la virilité. Et malheureux.
Arpentant avec maîtrise, non sans audace, un territoire doublement masculin – la mine et le film d’action à suspense –, cette jeune cinéaste canadienne s’appuie certes sur un scénario classique… mais encore sur une caméra fébrile, fureteuse, sensible, qui filme au plus près une galerie de personnages attachants. En premier lieu, Maxime (Joakim Robillard), garçon impétueux à qui tout semble réussir, sauf qu’il dissimule de plus en plus mal ses failles et son désarroi face à son meilleur ami handicapé…
À la fois très humain et spectaculaire (violente explosion sous terre à la clé), Souterrain aborde une série de thèmes délicats tels que le sens du devoir,
la solidarité, la culpabilité, la paternité et l’impuissance, sans jamais dégager d’impression de lourdeur, ni même de démonstration. Grâce en soit rendue aux acteurs, les premiers comme les seconds rôles : émouvants sans forcer, ils incarnent idéalement la puissance inquiète de ce film choral.
Souterrain, de Sophie Dupuis