Pascale Ribes, pré­si­dente de l’association APF France han­di­cap, assis­te­ra à la Conférence natio­nale du han­di­cap pour « por­ter haut et fort ses demandes »

Ce mer­cre­di se tient à l’Élysée la Conférence natio­nale du han­di­cap, avec la pro­messe d'annoncer « 70 mesures fortes » pour pal­lier les man­que­ments de la France envers les per­sonnes en situa­tion de han­di­cap. Certaines asso­cia­tions ont bien du mal à y croire et ont décli­nées l’invitation. La pré­si­dente d’APF France han­di­cap Pascale Ribes, elle, s'y ren­dra. Avec exigence.

J.Deya Pascale Ribes Portrait en rouge 1
© J.Deya

C’est un grand rendez-​vous pour les per­sonnes en situa­tion de han­di­cap et les asso­cia­tions depuis 2005. La Conférence natio­nale du han­di­cap (CNH), qui se déroule tous les trois ans pour fixer les poli­tiques publiques en la matière, se tien­dra ce mer­cre­di 26 avril après-​midi à l’Élysée sous la pré­si­dence d’Emmanuel Macron. Mais alors que dans moins de 500 jours, la Ville de Paris doit accueillir les Jeux olym­piques et para­lym­piques et que la France a été épin­glée mi-​avril par le Conseil de l’Europe pour ses man­que­ments en matière de droits et liber­tés aux per­sonnes en situa­tion de han­di­cap, c’est dans la colère que les asso­cia­tions abordent cet événement. 

Face au mécon­ten­te­ment géné­ral quant au manque d’ambition du gou­ver­ne­ment, le Collectif Handicaps, qui regroupe 52 asso­cia­tions, avait mena­cé lun­di de boy­cot­ter la CNH. Après concer­ta­tion avec le gou­ver­ne­ment, cer­taines asso­cia­tions ont fina­le­ment déci­dé d'être pré­sentes au rendez-​vous, esti­mant qu’elles avaient obte­nu les garan­ties néces­saires et notam­ment l’annonce de 70 mesures « fortes » par Emmanuel Macron. Mais près de la moi­tié d'entre elles ont quand même décli­né l’invitation, dénon­çant un véri­table manque d'engagement du Président.

Pascale Ribes fait par­tie de ceux·celles qui ont main­te­nu leur pré­sence. Un rendez-​vous d’autant plus impor­tant pour la pré­si­dente d'APF France han­di­cap que l'association mène depuis hier et jusqu’à la fin du mois une semaine de mobi­li­sa­tion pour tirer la son­nette d’alarme sur le trai­te­ment des per­sonnes en situa­tion de han­di­cap en France. Dans cette pers­pec­tive, hier soir, le hap­pe­ning #AuPiedDuMur s’est dérou­lé à Paris et dans 35 autres villes de France. L’organisme a entre autres pro­je­té sur les murs du Panthéon un mani­feste visant à mettre le Président de la République et les élu·es devant leurs res­pon­sa­bi­li­tés. Pour com­prendre cette colère, Causette a donc inter­ro­gé Pascale Ribes. 

Causette : Qu’attendez-vous de votre ren­contre avec Emmanuel Macron ?
Pascale Ribes : Nous y allons pour por­ter haut et fort nos demandes. On veut que le gou­ver­ne­ment intro­duise la confé­rence par la déci­sion du Conseil de l’Europe et qu’il recon­naisse que la France a été condam­née. On veut des garan­ties que la CNH ne se résu­me­ra pas à une action de com­mu­ni­ca­tion de l’État comme ça a par­fois été le cas. On vou­drait obte­nir une pro­gram­ma­tion plu­ri­an­nuelle pour bud­gé­ti­ser tout ce qui a besoin d’être fait concer­nant le han­di­cap et ce dans tous les domaines. A mini­ma, on sou­hai­te­rait avoir une vraie bous­sole de la mise en appli­ca­tion des condam­na­tions du Conseil de l'Europe qui, je le rap­pelle, sont basées sur la Charte euro­péenne des droits fon­da­men­taux. Bref, on attend un vrai sur­saut, un chan­ge­ment, du concret. 

"Depuis des années, le sujet du han­di­cap est trai­té avec une approche d'aumône sociale."

En 2018, votre asso­cia­tion fait par­tie de celles qui avaient sai­si le conseil de l’Europe pour faire condam­ner la France pour « non res­pect des droits fon­da­men­taux des per­sonnes han­di­ca­pées ». Cinq ans après, com­ment avez-​vous accueilli la condam­na­tion ren­due publique la semaine der­nière ? 
P. R. : Avec beau­coup de joie. On était très heu­reux que les vio­la­tions de la Charte des droits fon­da­men­taux aient été recon­nues. Depuis des années, le sujet du han­di­cap est trai­té avec une approche d'aumône sociale. Tout le monde le sait, le gou­ver­ne­ment en pre­mier, les per­sonnes en situa­tion de han­di­cap sont la popu­la­tion la plus dis­cri­mi­née de France. Et je pense que le pays a accu­mu­lé un tel retard qu'il est dif­fi­cile aujourd'hui de le rat­tra­per, et qu’en plus per­siste une manière de consi­dé­rer les per­sonnes non pas comme des sujets de droit, mais comme des objets de soins. Donc il est urgent que le gou­ver­ne­ment réagisse. Il faut savoir que la condam­na­tion du Conseil de l'Europe a été com­mu­ni­quée aux asso­cia­tions par­ties pre­nantes et à l’État fin décembre. Une période de quatre mois est néces­saire pour rendre la condam­na­tion publique, d’une part pour que le Conseil de l’Europe la valide et d’autre part pour lais­ser du temps à l’État condam­ner d’anticiper des solu­tions. Ce qu'il n'a pas fait. 

"Si les pou­voirs publics ne font rien, un grand nombre de per­sonnes en situa­tion de han­di­cap ne pour­ront pas assis­ter à ces jeux de façon décente."

Nous sommes à moins de 500 jours des Jeux Olympiques et Paralympiques. Êtes-​vous inquiète en ce qui concerne l'accueil du public en situa­tion de han­di­cap ?
P. R. : Il faut se mettre en ordre de marche dès aujourd’hui et c’est la rai­son pour laquelle nous avons tiré la son­nette d’alarme dans une tri­bune dans le JDD en jan­vier. On res­sen­tait une forme d’inertie, on voyait la date arri­ver et rien ne se pas­sait. Dans nos réunions avec la délé­ga­tion inter­mi­nis­té­rielle aux Jeux Olympiques, il n'y avait rien de concret qui se des­si­nait, on voyait arri­ver un scé­na­rio catas­trophe. Aujourd’hui, si les pou­voirs publics ne font rien, un grand nombre de per­sonnes en situa­tion de han­di­cap ne pour­ront pas assis­ter à ces jeux de façon décente. D’abord, il faut résoudre le pro­blème de l’accessibilité. À Paris, seule­ment quelques sta­tions de métro sur plus de 300 sont acces­sibles pour les per­sonnes en fau­teuil. Ensuite, il faut résoudre le pro­blème lié au nombre de places réser­vées aux per­sonnes en situa­tion de han­di­cap au niveau des sites olym­piques, qui sont très faibles. Il faut aus­si réflé­chir à l’accueil en gare ou dans les aéro­ports. Ce que nous avons comme infor­ma­tions, c’est qu'environ 5000 per­sonnes en fau­teuil rou­lant seront atten­dues chaque jour. Et pour le moment, les héber­ge­ments sont insuf­fi­sants. Tout cela fait que nous nous inquié­tons et je pense, à juste titre, de savoir si le pays va être à la hau­teur de cet événement. 

À lire aus­si I Charlotte Alaux, co-​fondatrice des trot­ti­nettes pour fau­teuil rou­lant Omni : « Nos uti­li­sa­teurs sortent deux fois plus »

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