Un rassemblement de militantes féministes se tiendra jeudi 23 juillet devant l’Hôtel de Ville de Paris pour demander que Christophe Girard quitte ses fonctions d’adjoint à la Culture, en raison de ses liens avec l’écrivain Gabriel Matzneff, lui-même accusé de pédophilie. Le groupe Écologistes de Paris, regroupant des élu·es EELV et siégeant au sein de la majorité, a appuyé l’initiative et sera représenté durant la manifestation.
Après les municipales, fallait-il reconduire dans ses fonctions d’adjoint chargé de la Culture à la Mairie de Paris Christophe Girard ? Pour les élu·es EELV de Paris, c’est un grand non : à l’unanimité, ils et elles ont envoyé à la maire Anne Hidalgo (PS), le 19 juillet, un courrier demandant « la suspension immédiate » de l’élu. Le temps qu'une enquête de l'inspection générale, que le groupe écologiste appelle de ses vœux, fasse « toute la lumière » sur les liens que Christophe Girard a entretenus avec Gabriel Matzneff. Plusieurs membres du groupe seront par ailleurs présent·es au rassemblement de protestation organisé jeudi 23 juillet à midi devant l’Hôtel de Ville, en marge du Conseil de Paris. Lancé sous le mot d’ordre « pas d’adjoint à la culture du viol », il est dû au « collectif féministe du 23 juillet », rassemblant des militantes féministes sur Twitter. Il faut dire que Christophe Girard, adjoint ou maire d’arrondissement à Paris depuis vingt ans, irrite de nombreuses féministes depuis que le New York Times a révélé, en février dernier, ses liens avec l’écrivain visé par une enquête pour viols sur mineurs.
L’élu a, dans la foulée, confirmé en partie les informations du quotidien américain. Dans les années 1980, à l’époque où il travaillait pour LVMH, il a apporté un « soutien pour le règlement de frais d’hébergement » avec l’enveloppe que le groupe consacrait à l’aide aux artistes en difficulté, suite aux « instructions de Pierre Bergé », son patron d’alors. C’était peu de temps après que l’écrivain – qui, par ailleurs, faisait l’apologie de la pédophilie à longueur de livres – a été convoqué par la police en 1986 après que cette dernière a reçu des lettres anonymes dénonçant sa relation avec Vanessa Springora, 14 ans à l’époque. Christophe Girard assure au Parisien en février 2020 que, à ce moment-là, il « ne savait pas » que Matzneff « cherchait à échapper à la brigade des mineurs ».
« Message d'hostilité »
En 2002, alors déjà élu à la Culture à Paris, Girard aurait par ailleurs appuyé Matzneff dans sa demande de bourse auprès du Centre national du livre grâce à une lettre de recommandation envoyée par ses soins. Il a expliqué au Parisien ne plus s’en souvenir avec précision et ne pas l’avoir retrouvée dans les archives de la municipalité. D’une manière générale, l’élu de 65 ans explique que la façon de Matzneff de le présenter comme l’un de ses meilleurs amis « est un peu excessive » et qu’il n’a pas soutenu« un pédophile » mais « un écrivain en difficulté », arguant qu’il fait partie d’une « génération qui considère qu’il faut séparer l’œuvre de l’auteur ».
De quoi faire bondir la nouvelle génération d’élu·es EELV débarquée au Conseil de Paris à l’issue des municipales de juin. « Le choix de reconduire Christophe Girard à la Culture est révoltant, s’insurge Alice Coffin*, Conseillère de Paris, déléguée à l'égalité femme-homme dans le XIIearrondissement et par ailleurs militante féministe, membre du collectif La Barbe. Que la mairie de Paris n’ait pas voulu le démettre en février, lors des révélations du New York Times, est une chose, mais qu’elle le reconduise dans le cadre de cette nouvelle mandature est effarant. C’est un message d’hostilité aux revendications des femmes très fort qui est envoyé. »
Pas de rupture de ban envisagée
C’est donc sur ce point d’accrochage au sein de la majorité (PS, EELV, PC) que s’ouvre le nouveau mandat d’Anne Hidalgo. « Lors de la réunion, mardi 21 juillet, de la Commission à la Culture dont je fais partie, raconte Alice Coffin, j’ai rappelé, en sa présence, que Christophe Girard ne pouvait selon nous pas rester en poste. Le doyen du Conseil de Paris, Pierre Aidenbaum, m’a expliqué que tout ça commençait très mal. » Car du côté du PS, on n’entend pas donner suite à la demande du groupe écologiste. « La position d’Emmanuel Grégoire est très claire,précise-t-on au cabinet du premier adjoint d’Anne Hidalgo. Aucun fait délictueux n’a été reproché à Christophe Girard, et ce même alors qu’il a été longuement interrogé par la justice dans le cadre de l’instruction sur les affaires de viol concernant Gabriel Matzneff. Il n’a même pas eu besoin du statut de témoin assisté. Il n’y a donc aucune raison que nous l’écartions. »
Ces profonds désaccords entre EELV et la garde rapprochée d’Anne Hildago peuvent-ils entraîner une rupture de ban des premiers ? Ce n’est pas à l’ordre du jour, selon Alice Coffin : « Tant qu’on peut s’exprimer, tant qu’on peut marteler notre opposition à cette nomination, il vaut mieux rester dans la majorité, parce que si on claque la porte, alors ce sera ceux qui ne voient pas le problème dans le fait de le maintenir en poste qui auront eu gain de cause. » Une chose est sûre : le cas Christophe Girard cristallise une confrontation toujours plus grande entre deux visions polarisées du sort à réserver par notre société à ceux qui n’ont pas su ou voulu voir le problème avec Matzneff… Au moment même où plusieurs maires PS (dont Anne Hidalgo) et maires EELV (en position de force suite aux résultats des municipales) se sont rencontrés hier à Tours pour renforcer leurs liens, travailler ensemble et peser au niveau national.
*Elle s'apprête à publier Le Génie lesbien en octobre.