Privées de droits, des mères lesbiennes qui n’ont pas porté leur(s) enfant(s) se battent contre leur ancienne compagne pour le·les retrouver.
Au terme de seize années de bons et loyaux services conjugaux, Hélène 1, 52 ans, est larguée du jour au lendemain par son épouse, Sophie 1. L’histoire aurait pu s’arrêter là et chacune s’en aller de son côté : or, elles ont une enfant de 4 ans, Lou 1. Autre pépin : elles sont mariées mais Hélène ne l’a jamais adoptée. Si les couples hétérosexuels s’étripent traditionnellement pour la garde des enfants, Hélène, elle, ferraille depuis trois ans pour être simplement reconnue comme parent et avoir le droit de voir sa fille, que son ex veut lui retirer. Car elle n’a, en théorie, aucun droit sur sa propre enfant, portée par sa compagne. La séparation a occasionné entre elles un grand déballage et mis au jour les failles juridiques de leur famille : « Elle m’a dit : “Lou ? C’est pas ta fille, tu n’auras jamais l’adoption, t’es personne pour elle”. C’est très violent, se rappelle-t-elle. On n’était plus deux mamans en couple qui s’engueulaient : on est devenues deux ennemies qui se disputent un enfant. »
Être mère dans les faits sans l’être aux yeux de la loi, c’est la situation, parfois ubuesque, à laquelle sont confrontées les mères « sociales », par opposition à celles qui ont accouché. Elles qui ont tout autant désiré, accompagné puis aimé et élevé un enfant, ne sont parfois pas reconnues par l’état civil. « Quand on s’est lancées dans une PMA [procréation médicalement assistée, ndlr] avec ma femme, on n’avait pas du tout conscience de ce statut, on ne connaissait même pas le mot, raconte Léa Cayrol, autrice d’ouvrages pour mères lesbiennes 2. Qu’on ait porté l’enfant ou pas, ça ne change pas grand-chose au quotidien, le problème, c’est qu’une différence est faite par l’État. La mère biologique a une toute-puissance et peut priver l’autre maman de son enfant si certaines démarches n’ont pas été accomplies en amont. »
Léa Cayrol, autrice
"La mère biologique a une toute-puissance et peut priver l’autre maman de son enfant si certaines démarches n’ont pas été accomplies en amont"
Si, selon l’Insee, en 2018, au moins 31 000 enfants vivaient avec des parents de même sexe, pour les mères « d’intention », « il n’existe pas de statistiques », détaille Céline Cester, présidente de l’association Les Enfants d’arc en ciel, qui a accompagné, au premier semestre 2023, une quarantaine de femmes confrontées à cette situation. Des circonstances à rebours des clichés idéalisant les relations de même sexe : « Ce n’est pas parce qu’on est lesbienne ou bi qu’on[…]