La famille. Celle qu'on subit, celle qu'on chérit, celle qui se brise ou celle qu'on rafistole. Tout au long de l'été, chaque vendredi, Causette plonge au cœur de vos récits de lignées et d'hérédités. Dans notre deuxième épisode, Isabelle, 55 ans, raconte comment s’est construit autour de la figure de son arrière arrière grand-père un mythe familial plus agréable que la vérité.
"Mon grand-père Octave me racontait souvent, plus jeune, l’histoire de son père, baptisé Octave lui aussi. Il avait vécu une enfance difficile car il avait été abandonné à l’âge de sept ans par son père, Jules, envoyé casser des cailloux au bagne de Cayenne en Guyane et jamais rentré en métropole à sa libération. Nous, ses petits-enfants, on le submergeait de questions pour essayer d’en savoir plus sur cet ancêtre bagnard et comment son fils avait pu se retrouver seul avec sa mère du jour au lendemain. Les réponses étaient toujours floues. La seule information crédible qu’on avait sur le pourquoi de sa condamnation, c’est qu’elle était particulièrement injuste. Il nous contait toujours cette histoire avec colère et amertume : Jules était innocent et avait payé pour un autre.
Jules Siroy, métayer dans une ferme des Deux-Sèvres avait été trahi par le propriétaire terrien pour lequel il travaillait. Mon grand-père racontait que Jules avait été accusé d’avoir vendu des taureaux reproducteurs à un acheteur d’un pays d’Amérique du sud alors que c’était apparemment interdit à l’époque. Le propriétaire en question, qui était en fait le véritable auteur de cette vente, avait nié sa participation et avait fait porter le chapeau à Jules. Lors[…]