25 de Abril sempre Henrique Matos
Peinture murale de Henrique Matos accompagnée du slogan "25 de Abril SEMPRE" (25 avril toujours) © Henrique Matos / Wikimedia

"Révolution des Œillets" : il y a cin­quante ans, au Portugal, le peuple ren­ver­sait la dictature

Le 25 avril 1974, la révo­lu­tion des Œillets balayait quarante-​huit ans de dic­ta­ture au Portugal, à une période où l’idéal démo­cra­tique va éga­le­ment l’emporter en Grèce et en Espagne. 

Alors que le Portugal était sous régime dic­ta­to­rial, la popu­la­tion ain­si qu'une par­tie de l'armée, s'est sou­le­vée, il y a cin­quante ans lors de ce qu'on a appe­lé alors la révo­lu­tion des Œillets. Les insurgé·es avaient por­té l'instauration de la démo­cra­tie ain­si que le déman­tè­le­ment de l'empire colo­nial du pays. 

Quarante-​huit ans. C’est la durée de celle qui fut la plus longue dic­ta­ture euro­péenne, éta­blie de 1926 à 1974 au Portugal à la suite d’un coup d’État mili­taire sur­ve­nu dans une République poli­ti­que­ment instable. Arrivé au pou­voir en 1932, Antonio de Oliveira Salazar fonde “l’État nou­veau, un régime d’inspiration fas­ciste repo­sant sur trois piliers : la cen­sure, le par­ti unique et la police poli­tique (la Pide), redou­table ins­tru­ment au ser­vice d’une dic­ta­ture qui fera 30 000 prisonnier·ères poli­tiques – maintes fois torturé·es – et une cin­quan­taine de mort·es par­mi les dissident·es.

L’assassinat en 1965, par la Pide, du géné­ral Humberto Delgado, un·e des principaux·ales dirigeant·es de l’opposition démo­cra­tique tué d’une balle dans la tête en Espagne, fait par­tie de la mémoire col­lec­tive du pays. Tout comme est res­té vif le sou­ve­nir d’opposant·es emprisonné·es, déporté·es et condamné·es à l’exil à l’instar de Mario Soares, futur fon­da­teur du Parti socia­liste por­tu­gais et pré­sident de la République de 1986 à 1996.

En 1968, Antonio Salazar, gra­ve­ment malade – il mour­ra deux ans plus tard –, passe la main à Marcelo Caetano, dont le pou­voir se heurte notam­ment à une grave crise éco­no­mique. Depuis 1961, le pays fait face à de rui­neuses guerres colo­niales en Afrique.

Œillet rouge au bout du fusil

L’impasse de ce conflit après treize ans de com­bats consti­tue l’élément déclen­cheur de la révolte de tout un pan de l’armée, alors que le pays se vide d’une jeu­nesse refu­sant de par­tir sur les trois fronts (Angola, Guinée-​Bissau et Mozambique). Le 25 avril 1974, le “mou­ve­ment des capi­taines” – mené par des mili­taires ayant eux-​mêmes par­ti­ci­pé aux guerres en Afrique – balaie un régime exsangue. À Lisbonne, les insurgé·es occupent la radio, la télé­vi­sion, l’aéroport… La popu­la­tion des­cend spon­ta­né­ment dans les rues de la capi­tale, applau­dit les mili­taires. Quelques œillets rouges piqués au bout des fusils, puis arbo­rés par la foule, bap­tisent la révo­lu­tion. Après quelques face-​à-​face ten­dus, les uni­tés hos­tiles bas­culent l’une après l’autre du côté du Mouvement des forces armées (MFA). La dic­ta­ture a vécu.

L’instauration de la démo­cra­tie s’accompagne de nom­breuses conquêtes poli­tiques et sociales : suf­frage uni­ver­sel, liber­té d’expression, éga­li­té des droits entre hommes et femmes, droit de grève, créa­tion d’un salaire mini­mum, Sécurité sociale pour tous et toutes…

Lire aus­si l “L’égale de l’homme” : il y a 80 ans, les Françaises obte­naient le droit de vote

La fin de l'empire colonial

Avec le sou­lè­ve­ment des capi­taines débute aus­si le déman­tè­le­ment du der­nier empire colo­nial euro­péen. Entre 1974 et 1975, cinq pays afri­cains, la Guinée-​Bissau, le Mozambique, le Cap-​Vert, São Tomé et Príncipe, ain­si que l’Angola vont conqué­rir leur indé­pen­dance. Macao sera rétro­cé­dé à la Chine en 1999. Le Timor-​Leste, enva­hi par l’Indonésie en 1975, ne devien­dra indé­pen­dant qu’en 2002 après une inter­ven­tion de l’ONU. Le Portugal a rapa­trié près d’un mil­lion de per­sonnes des colo­nies, soit plus de 10 % de sa population.

Avènement de démocraties

Outre le Portugal, le tour­nant des années 1970 marque la chute des der­nières dic­ta­tures d’Europe occi­den­tale, en Grèce et en Espagne où souffle un irré­pres­sible vent de liberté.

En Grèce, c’est le sou­lè­ve­ment, le 17 novembre 1973, d’étudiant·es de l’École poly­tech­nique d’Athènes, dont la san­glante répres­sion fera plus de quarante-​quatre mort·es, qui condui­ra moins d’un an plus tard à la chute de la dic­ta­ture ins­tau­rée depuis un coup d’État de colo­nels en 1967. Le sort du régime sera scel­lé à l’été 1974 par l’intervention turque à Chypre après une ten­ta­tive de coup d’état ultra­na­tio­na­liste grec à Nicosie. L’anniversaire de la révolte du 17 novembre est fêté tous les ans depuis le retour de la démo­cra­tie par un grand défi­lé entre l’école et l’ambassade amé­ri­caine pour pro­tes­ter contre le rôle et le sou­tien des États-​Unis, et de la CIA en par­ti­cu­lier, à la dic­ta­ture militaire.

L’Espagne, elle, a tour­né les pages sombres de la dic­ta­ture à la mort, le 20 novembre 1975, de Franco, à l’issue d’une inter­mi­nable ago­nie. Avec la dis­pa­ri­tion du der­nier dic­ta­teur d’extrême droite en Europe, s’achèvent trente-​six ans d’un régime auto­ri­taire et réac­tion­naire. Juan Carlos, suc­ces­seur dési­gné depuis 1969, est pro­cla­mé roi deux jours plus tard. La dic­ta­ture est offi­ciel­le­ment abo­lie en 1978, avec l’adoption de l’actuelle consti­tu­tion démocratique.

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