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©Gayatri Malhotra

Accès à l'avortement : la peur au ventre

Édito. Quand, il y a quelques années main­te­nant, je me suis ren­due dans une cli­nique pour avor­ter, j’ai eu peur. J’ai eu peur de sai­gner, j’ai eu peur d’avoir mal mais s’il y a bien une chose que je ne crai­gnais pas, c’était de ne pas avoir le droit d’être là. J’avais le droit de dis­po­ser de mon corps comme je l’entendais parce qu’en France l’Interruption volon­taire de gros­sesse (IVG) est ins­crite dans la loi depuis 1975. Aujourd’hui, de nou­veau j’ai peur. Pas pour moi cette fois, mais pour toutes les Américaines qui, de l’autre côté de l’Atlantique, voient leur droit à l’IVG plus que jamais mis à mal.

Aux États-​Unis, dans ce pays où les liber­tés sont soi-​disant reines, l’avortement est légal depuis l’arrêt « Roe v. Wade » de 1973. Mais qu’en sera-​t-​il si la Cour suprême décide de bazar­der d’ici juin la juris­pru­dence fédé­rale qui garan­tit pour l’heure le droit à l’avortement sur l’ensemble du ter­ri­toire ? 

Si elle le décide, la Cour suprême lais­se­ra alors à chaque État la liber­té de légi­fé­rer sur l’avortement. De l’interdire ou de l’autoriser. Plus de la moi­tié d’entre eux, les plus conser­va­teurs, qui ont d’ailleurs déjà com­men­cé à détri­co­ter ce droit, pour­raient ain­si déci­der de l’abroger pure­ment et sim­ple­ment. Une ving­taine ont d’ores et déjà pro­mis de le rendre illé­gal. Un coup de ton­nerre pour les Américaines, qui devien­dront de fait les pre­mières vic­times de cette frange conser­va­trice. Les femmes les plus pauvres, les plus jeunes, les vic­times d’incestes et de viols en tête. 

J’ai peur aus­si pour les Ukrainiennes vic­times de viol qui, refu­giées en Pologne depuis le début de la guerre, se heurtent désor­mais à la loi polo­naise anti-​ivg. Cette der­nière, l’une des plus res­tric­tives d’Europe, limite depuis jan­vier 2021, l’avortement aux cas de gros­sesses met­tant en dan­ger la san­té de la mère, et de viols. Mais ceux-​ci sont sou­vent dif­fi­ci­le­ment prou­vables aux yeux de la loi, peu encline à les recon­naître. Les Ukrainiennes qui ont fui les atro­ci­tés de la guerre, qui ont souf­fert de vio­lences sexuelles de la part des sol­dats russes, doivent donc conti­nuer de se battre pour conser­ver ce droit si pré­cieux dans le pays qui les accueille.

Ce qui se passe actuel­le­ment en Pologne et ce qui pour­rait adve­nir pro­chai­ne­ment aux États-​Unis nous prouve une fois de plus que le droit à l’avortement n’est jamais gra­vé dans le marbre et que les femmes doivent encore et tou­jours lut­ter pour leurs liber­tés que l’on constate si friables. Un constat qui fait plus que jamais écho à la célèbre phrase de Simone de Beauvoir : « N'oubliez jamais qu'il suf­fi­ra d'une crise poli­tique, éco­no­mique ou reli­gieuse pour que les droits des femmes soient remis en ques­tion. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez res­ter vigi­lantes votre vie durant. » Au pays de l’Oncle Sam, des cen­taines de mani­fes­ta­tions ont d’ailleurs lieu aujourd’hui pour défendre l’IVG et expri­mer la révolte des concer­nées. Parce qu’à ce jour il n’y a que la vigi­lance, la colère et la soro­ri­té qui nous per­mettent d’espérer un jour ne plus avoir peur.

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