Employée depuis six ans par 2theloo, prestataire de la SNCF chargé de la gestion des toilettes de ses gares, Sarah, 53 ans, a été licenciée en décembre pour avoir récupéré un pourboire d’un euro laissé par un client. Elle dénonce un licenciement abusif et a saisi le conseil des prud’hommes.
Elle s’appelle Sarah, elle a 53 ans, deux enfants à charge et cela faisait six ans qu’elle nettoyait les toilettes de la gare Montparnasse, dans le Sud-ouest parisien. Six années à faire la “Dame pipi”, comme on surnomme de façon réductrice et dégradante ces femmes payées au Smic chargées de l’entretien des toilettes publiques payantes. Employée par la société néerlandaise 2theloo – prestataire privé de la SNCF chargé de la gestion des toilettes d’une quarantaine de gares en France depuis 2015 –, Sarah a été licenciée en décembre 2023. La raison ? Avoir récupéré un pourboire d’un euro. Une faute grave selon la société pour laquelle la quinquagénaire n’a reçu ni indemnités de licenciement ni préavis. Une profonde injustice pour Sarah, qui a choisi de porter l’affaire devant les prud’hommes.
Les faits se sont produits le 23 novembre 2023. Comme le rapportait L’Humanité fin mars, Sarah, installée à l’entrée des toilettes, est assise sur un tabouret. Entre deux nettoyages, elle assiste au même ballet automatisé depuis six ans : pour passer le portillon et utiliser les toilettes, les voyageur·euses doivent payer un euro, en carte bancaire sans contact ou en monnaie en insérant les pièces dans la machine. C’est à ce moment-là, déclare Sarah qu’un client aurait laissé sur le comptoir une pièce d’un euro. Pour elle, pas de doute possible, il s’agit bien d’un pourboire de remerciement laissé volontairement. Raison pour laquelle elle le récupère. Sauf que pour ses responsables, qui regardent la scène en direct grâce aux caméras de surveillance installées dans l’entrée des toilettes, il s’agit là d’un vol.
Recours abusif aux caméras de surveillance
Le lendemain, Sarah se voit administrer une mise à pied conservatoire. Sa direction lui reproche d’avoir volé la société, les pourboires devant être obligatoirement récupérés par l’entreprise et non ses employé·es. La semaine suivante, début décembre, Sarah est remerciée. Cinq mois après ce licenciement qu’elle estime abusif, elle a réagi ce mardi 7 mai sur le plateau de BFM-TV.
“Nettoyer les cacas pendant six ans… 1 euro, 2 euros, vous me mettez dehors ? Et vous me prenez six ans de ma vie. Je trouve que ce n’est pas normal”, a‑t-elle dénoncé. Sarah précise également qu’elle n’a pas pu toucher le chômage pendant quatre mois, 2theloo ayant tardé à lui envoyer les attestations nécessaires pour recevoir ces indemnités. “Même mes papiers pour le chômage, ils ne me les ont pas envoyés, indique Sarah. Moi, j’ai accepté ce boulot pour nourrir mes enfants. Je l’ai accepté parce qu’on n’a pas été à l’école. Et aujourd’hui, ils me virent pour 1 euro, 2 euros ? C’est injuste. C’est injuste !” La quinquagénaire a décidé de saisir le conseil des prud’hommes.
2theloo n’en serait pas à son premier licenciement abusif. Selon une enquête de Mediapart publiée en avril 2023, l’entreprise multiplie effectivement les entorses au Code du travail. À l’instar du licenciement de Sarah, 2theloo n’hésite pas à avoir recours abusivement aux caméras de surveillance pour contrôler les faits et gestes de ses employé·es, une utilisation pourtant proscrite par la loi au regard du droit à la vie privée. La société a ainsi licencié une salariée en 2016 au motif qu’elle s’était assise par terre pour consulter son téléphone. Une autre avait été remerciée en 2020 pour de courtes absences. “Il y a eu de nombreux cas de licenciement pour faute grave, dont beaucoup sont injustifiés, voire inventés, dénonçaient les syndicalistes de 2theloo en janvier 2024, lors d’un CSE, rapporte L’Humanité. Les caméras de surveillance ont été utilisées comme preuve pour licencier une dizaine de salariés, ce qui constitue une utilisation abusive par rapport aux objectifs prévus.”