Dans cette commune des Bouches-du-Rhône, la municipalité a déclaré la viande obligatoire pour tous et toutes les élèves “au nom du principe de laïcité”. Une mesure jugée “discriminatoire” par les syndicats et beaucoup de parents.
“Vous devez respecter en vertu du principe de la laïcité [le fait] de servir toutes les composantes des menus, y compris la viande”, indique une note interne de la mairie de Marignane adressée en septembre aux agents de restauration. Depuis la rentrée, dans cette commune des Bouches-du-Rhône, la viande est obligatoire à la cantine. Une mesure qui laisse perplexes, voire heurté·es, de nombreux parents d’élèves, notamment ceux et celles présent·es devant l’école primaire Albert-Camus, près des zones commerciales de Marignane.
“Avant il mangeait à la cantine”, explique une maman de confession musulmane, à propos de son fils de 6 ans qu’elle vient maintenant chercher pour déjeuner : “Je ne le laisse plus”, regrette-t-elle, ne souhaitant pas qu’on impose à son enfant de la viande non halal ou du porc. “Je les mets à la cantine quand je n’ai pas le choix”, explique quant à elle Nadia Khiari, 33 ans, également de confession musulmane. Elle jongle avec son emploi du temps pour venir chercher ses deux fils de 7 et 6 ans et sa fille de 3 ans. Cette décision s’apparente selon elle à une mesure “discriminatoire”. “Sans même parler de religion, il y a des enfants végétariens”, ajoute-t-elle.
Lire aussi I Au lycée privé Charles-de-Foucauld, les élèves n’ont plus le droit de porter des jupes et des robes
D’après la note interne de la mairie, viande et légumes ne doivent pas être mélangés, les enfants ayant quand même “le droit de faire le choix de les manger ou pas”. Cependant, “en aucun cas, le principe de laïcité ne peut être mis en avant pour imposer un menu”, rappelle Nicolas Cadène, ex-rapporteur général de l’Observatoire de la laïcité, qui ne voit pas de “critères objectifs” ou un “intérêt supérieur de l’enfant” justifiant juridiquement d’imposer de la viande à la cantine. “C’est une fois de plus une instrumentalisation de la laïcité, une réponse qui stigmatise et divise.” Sur France Bleu Provence, Éric Le Dissès – maire divers droite de Marignane et parrain du candidat d’extrême droite Éric Zemmour lors de la présidentielle 2022 – expliquait que cette mesure aurait été prise après un incident avec un enfant qui s’était plaint auprès de ses parents de ne pas avoir eu de viande. “La note est un rappel aux cantinières qui se permettaient de ne pas servir de viande à tel ou tel enfant, en fonction de la religion”, avait-il justifié.
“C’est fait pour diviser”
Depuis cette décision, “un paquet (de familles) a retiré ses enfants” de la cantine, observe un père de famille, devant l’école Albert-Camus. Lui-même de confession juive et mangeant casher, il n’avait de toute manière pas mis ses enfants à la cantine, mais est hostile à la mesure de la mairie. Dont il apprécie pourtant globalement la politique. “Les parents, pas plus que la CGT, ne demandent du casher ou du halal à tous les repas ou un repas de substitution”, confirme Johnny Benoit, secrétaire général de la CGT Territoriaux de Marignane. “C’est fait pour diviser”, estime-t-il, soulignant également le gaspillage de nourriture induit par cette mesure et la pression mise sur les agents de restauration, dans un contexte tendu autour de l’école et des questions de laïcité.
“On est en première ligne”, confie ainsi une agente de restauration de la commune qui “ne souhaite pas infliger cette maltraitance aux enfants”. La consigne a été donnée par la mairie de ne pas servir de viande aux écolier·ères dont les parents sont “les plus virulents” contre cette mesure, assure-t-elle. Une pétition en ligne, intitulée “Stop à la discrimination dans les écoles de Marignane” et exigeant le retrait de cette note municipale, a recueilli environ quatre cents signatures, dont de nombreux parents. “On n’est pas là pour embêter le système scolaire”, raconte Nadia Khiari qui veut juste avoir le choix.