Le collectif Nous Toutes vient de publier les résultats d’une enquête déclarative sur la façon dont sont réceptionnées dans les commissariats les demandes de plaintes dans le cadre de violences sexistes et sexuelles. 66% des répondant·es ont fait face à une mauvaise prise en charge.
C’est un chiffre qui en avait étonné plus d’un·e. Au début du mois de mars, le ministère de l’Intérieur avait annoncé que “90% des femmes ayant porté plainte en 2020 pour des faits de violences conjugales étaient satisfaites de l’accueil en commissariats et gendarmeries.” Il faut dire que pour tomber sur ce chiffre digne de résultats de réélection d’un dictateur, le ministère de l’Intérieur se basait sur une enquête de satisfaction à l’issue de 2072 dépôts de plainte (une méthode problématique puisqu’en réalisant elles-mêmes l’étude, les forces de l’ordre ont été juges et parties). #NousToutes a donc décidé dans la foulée de le prendre au mot et de réaliser sa propre étude, élargissant le champ non plus seulement aux violences conjugales mais à toutes formes de violences sexistes et sexuelles.
Vingt jours plus tard, le résultat est sans appel : sur les 3 500 personnes de toute la France et des Outre-Mer ayant répondu au questionnaire #NousToutes diffusé sur les réseaux sociaux du collectif féministe, 40% révèlent avoir fait face à une mauvaise prise en charge et 26% estiment à la fois avoir été bien et mal prises en charge, en fonction des différentes personnes à qui elles ont dû s’adresser durant leur démarche. En tout, cela fait donc 66% des répondant.es (dont l’écrasante majorité, 97,3%, sont des femmes) à avoir donc rencontré au moins un problème face aux forces de l’ordre qu’ils et elles ont rencontré au cours de leur dépôt de plainte. Certes, le fait qu’il s’agisse d’une enquête en ligne créé un biais de résultats, car les personnes ayant subi un mauvais traitement de la part des policier·ères ou gendarmes pourraient être plus tentées de répondre que celles pour qui cela s’est déroulé normalement. Mais ce biais existait tout autant si ce n’est plus, puisque les collecteurs de données (les commissariats eux-mêmes) étaient à la fois juges et parties, dans l’enquête menée par le ministère lui-même.
Dans le détail, les mauvais comportements des policier.ères et gendarmes relèvent premièrement de la banalisation des violences subies (67,8%), puis du refus de prendre la plainte ou du découragement de porter plainte (56,5%), de la culpabilisation de la victime (55,2%), de moqueries ou de sexisme (29,8%) et même, d’une forme de solidarité avec la personne mise en cause (26,2%). "Votre plainte, ça va ruiner sa vie", s’est ainsi vu rétorquer une victime à Paris en 2019. "Physiquement, vous allez bien non ? C'est bon alors, les mots et insultes, c'est pas grave, tout le monde s'est déjà fait insulter y a pas mort d'homme !", a entendu une autre, à Strasbourg, en 2020. Ou encore celle-ci qui témoigne avoir été découragée de porter plainte quand elle s’est rendue au commissariat de Boulogne Billancourt en 2017 : "Il m'a dit qu'en l'absence d'atteinte à mon intégrité physique, il n'y avait pas lieu de porter plainte." Et cette autre encore, à Witttenheim, en 2020 : "Les policiers m'ont dit que je l'avais cherché en restant avec cette personne."
Face à cet implacable constat de défaillance de l’institution dans la prise en charge des victimes, on se consolera d’un (mince) signe d’espoir. D’après l’enquête de #NousToutes, en 2021, la mauvaise prise en charge est passée sous la barre des 50% : à 46% très précisément (contrairement à 2020 où elle était à 58,1% et 2019 où elle était à 61,2%). Signe que plus les forces de l’ordre sont formées, plus l’accueil et la prise en charge des victimes s'améliorent ? Dans ce cas là, il est urgent de redoubler d’ardeur en la matière, les formations proposées par les associations étant encore loin d’être généralisées dans les commissariats et gendarmeries. Pour mobiliser sur le sujet, #NousToutes vient de lancer le hashtag #PrendsMaPlainte sur Twitter.
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