Fuites à la Cour suprême : graves menaces sur le droit à l'avortement aux États-Unis

Un pro­jet de déci­sion, encore en dis­cus­sion mais révé­lé par le site Politico, veut en finir avec l'arrêt dit Roe v. Wade, qui avait accor­dé aux femmes le droit à l’avortement en 1973.

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Une mani­fes­ta­tion pour le droit à l'avortement,
pho­to­gra­phie d'illustration © Gayatri Malhotra

« L'avortement repré­sente un pro­fond pro­blème moral sur lequel les Américains entre­tiennent de lourdes divi­sions. » Ainsi com­mence le brouillon de déci­sion du juge de la Cour suprême Samuel Alito, daté de février et tout juste révé­lé par le site d'information amé­ri­cain Politico. Son objet : détruire défi­ni­ti­ve­ment le droit à l'avortement, ren­du pos­sible par l'arrêt Roe ver­sus Wade de 1973, en don­nant la pos­si­bi­li­té à chaque État du pays de conce­voir sa propre légis­la­tion sur l'IVG.

Dans un contexte d'attaques répé­tées contre l'IVG par les par­le­ments et gou­ver­neurs de plu­sieurs états tenus par les répu­bli­cains conser­va­teurs depuis de nom­breux mois et alors que seule­ment trois – Stephen Breyer, Sonia Sotomayor et Elena Kagan ‑des neuf juges de la Cour suprême sont ouver­te­ment favo­rables au droit à l'avortement, l'annonce a fait l'effet d'une bombe. Dans la nuit du 2 au 3 mai, des manifestant⸱es se sont spon­ta­né­ment rassemblé⸱es devant la Cour suprême à Washington pour pro­tes­ter contre ce nou­veau coup por­té au droit des femmes à dis­po­ser de leur corps. « Bans off our bodies », ont urgé les pan­cartes bran­dies par les mili­tantes, dans une contrac­tion de « hands off » (« bas les mains ») et « bans », pour « interdiction ». 

Le docu­ment rédi­gé par le très conser­va­teur juge Samuel Alito est une réponse au dos­sier de l'État du Mississipi, qui a inter­dit en 2018 le droit à l'avortement au-​delà de quinze semaines et dont la cour s'est empa­rée le 1er décembre 2021. Si cette loi n'est pas encore appli­quée selon les infor­ma­tions du Monde, elle sert de che­val de Troie à un pro­jet plus large du camp pro-​vie de détri­co­tage du consen­sus Roe v. Wade. Selon les argu­ments de mau­vaise foi de ces 98 pages dévoi­lées ce lun­di 2 mai, l’avortement n'est pas cité dans la Constitution des États-​Unis (et donc pas pro­té­gé par le texte) et ne serait pas « pro­fon­dé­ment ancré dans l’histoire et les tra­di­tions de la nation ». Pour Alito, il est donc « temps de tenir compte de la Constitution et de remettre le sujet de l'avortement dans les mains des repré­sen­tants élus du peuple ».

En sep­tembre der­nier, la Cour avait par ailleurs refu­sé de sus­pendre la très res­tric­tive loi texane, qui inter­dit l'avortement après six semaines de gros­sesse, alors même que de nom­breuses femmes ignorent qu'elles sont enceintes à ce stade. Ces der­niers mois, les États du Kentucky, de l'Oklahoma, de l'Arizona, de l'Idaho, du Texas et du Mississipi ont tous fait pas­ser des lois visant à rendre qua­si impos­sible l'avortement, entraî­nant des dépla­ce­ments de femmes dans des États garan­tis­sant encore ce droit.

Lire aus­si l Kentucky : les répu­bli­cains gagnent une bataille de plus contre l’accès à l’IVG aux États-Unis

En octobre 2020, la nomi­na­tion à la Cour par Donald Trump de la répu­bli­caine Amy Coney Barrett – en rem­pla­ce­ment de l'infatigable défen­seure des droits des femmes Ruth Bader Ginsburg décé­dée le 18 sep­tembre 2020 – avait sou­le­vé les craintes, aujourd'hui jus­ti­fiées, d'un dés­équi­libre idéo­lo­gique à la Cour suprême pou­vant entraî­ner un énorme recul sur le droit à l'IVG.

Lire aus­si l Cour suprême des États-​Unis : der­rière le choix d’Amy Coney Barrett, l’ombre du puis­sant lob­by conser­va­teur Federalist Society

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