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(©Christophe Raynaud de Lage)

"Le Consentement" : une adap­ta­tion théâ­trale magis­trale, avec une Ludivine Sagnier incandescente

Le met­teur en scène Sébastien Davis trans­pose à nou­veau sur les planches Le Consentement de Vanessa Springora, cette fois au Théâtre du Rond Point à Paris. Une adap­ta­tion puis­sante, por­tée par la comé­dienne Ludivine Sagnier, tota­le­ment habi­tée par le rôle. Causette avait assis­té en novembre 2022 à la pièce, alors jouée au Théâtre de la Ville de Paris.

« Quelle preuve tan­gible avais-​je de mon exis­tence, étais-​je bien réelle ? » Au sein des murs de l'espace Pierre-​Cardin du Théâtre de la Ville de Paris, cette ques­tion, par­mi tant d'autres, résonne en boucle, por­tée par une musique élec­tro­nique légè­re­ment inquié­tante. Sur la scène, sur­mon­tée d'un immense écran blanc, on aper­çoit un lit, un bureau et une chaise. On pense immé­dia­te­ment à la chambre de bonne de l'écrivain Gabriel Matzneff, décrite par l'autrice Vanessa Springora dans son livre Le Consentement. Deux ans et demi après sa sor­tie ful­gu­rante, le texte dans lequel l'éditrice dénonce l'emprise qu'a exer­cée le roman­cier de 36 ans son aîné, alors qu'elle n'avait que 14 ans, est joué à Paris pen­dant une semaine. 

Le met­teur en scène Sébastien Davis, en ouvrant Le Consentement à la fin de l'année 2019, a reçu le livre « en pleine gueule », raconte-​t-​il à Causette. De cette « riposte artis­tique » et cette « œuvre d'art », dont l'impact sur notre socié­té repré­sente selon lui « un exemple du pou­voir de la culture », il en a tiré une créa­tion théâ­trale courte (1h20) mais intense, qui retrans­crit avec force toutes les émo­tions tra­ver­sées par Vanessa Springora dans son écrit. Le texte est por­té avec un mélange de puis­sance et de dou­ceur par une Ludivine Sagnier incan­des­cente, tota­le­ment habi­tée par le rôle, qui inter­prète « V. » dans les trois moments de sa vie racon­tés dans le roman auto­bio­gra­phique – l'enfance, l'adolescence et l'âge adulte. 

Son inter­pré­ta­tion est subli­mée par la créa­tion musi­cale de Dan Lévy, jouée en par­tie à la bat­te­rie par Pierre Belleville, mais sur­tout par la scé­no­gra­phie d'Alwyne de Dardel. Dès que le per­son­nage doute et s'interroge, Ludivine Sagnier dis­pa­raît der­rière un immense écran blanc, qui, par le jeu de lumières, se trans­forme en une sorte de « mem­brane » trans­lu­cide, comme la qua­li­fie Sébastien Davis. « Il m'a paru néces­saire de créer deux espaces sur scène. Derrière ce calque, cette mem­brane, j'ai vou­lu repré­sen­ter Vanessa enfant, quand elle est per­due, sous emprise et ne voit pas clair. Personne autour d’elle ne fait preuve de bons sens. Elle est empri­son­née. Ces sen­sa­tions rejaillissent sur elle sous la forme de dou­leurs phy­siques. Derrière l'écran, son corps se rebelle », explique-​t-​il.

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(©Christophe Raynaud de Lage)

Le Consentement avait créé un bou­le­ver­se­ment dans la socié­té fran­çaise lors de sa sor­tie. Son adap­ta­tion théâ­trale pro­longe l'incrédulité qui nous avait sai­sis à la lec­ture du livre, face à cette mère démis­sion­naire, ce père absent et ce petit cercle lit­té­raire pré­fé­rant fer­mer les yeux, plu­tôt que de voir la mons­truo­si­té des actes de Gabriel Matzneff. Ce der­nier est incar­né à quelques moments dans la pièce par une Ludivine Sagnier caus­tique, don­nant à la fois la rage et la nau­sée, quand on repense à la tolé­rance dont l'écrivain, aujourd'hui visé par une enquête pour viols sur mineur, a béné­fi­cié d’une par­tie de l’intelligentsia et des médias en France. 

« Nous avons créé le théâtre pour mieux se voir. Il agit comme un révé­la­teur de ce que nous sommes cruel­le­ment », sou­ligne Sébastien Davis. Avec sa pièce, il sou­haite ouvrir les yeux du public sur « les pul­sions viles des hommes », afin de tra­vailler des­sus et les refu­ser. L'écrivain de 86 ans, qui vit reclus en Italie et refuse de lire le livre de Vanessa Springora, devrait voir sa trans­po­si­tion théâ­trale. Cela lui per­met­trait peut-​être d'arrêter l'indécence de se faire pas­ser pour la vic­time de cette affaire, à tra­vers des écrits auto-​édités ou des jour­naux oubliés.

Le Consentement, de Vanessa Springora, mise en scène de Sébastien Davis, avec Ludivine Sagnier. Du 7 mars au 6 avril au Théâtre du Rond Point. 

À lire aus­si I Affaire Gabriel Matzneff : l'écrivain, visé par une enquête pour « viols sur mineur », enten­du en audi­tion libre

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